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Spipoll : un réseau social surprenant

Sciences participatives

 

Visiblement les conversations des spipolliens vont bien au-delà des questions scientifiques…

 

Peut-être vous est-il déjà arrivé de commenter une photo d’insecte sur le site du SPIPOLL. Parce que vous n’étiez pas d’accord avec l’identification par exemple, ou simplement parce que vous vouliez partager votre étonnement. Cette fonctionnalité, initialement programmée par défaut, a dépassé aujourd’hui toute les attentes. Entre 2008 et 2018, près de 80 000 commentaires ont été postés. Si bien que l’outil joue désormais un rôle considérable dans la vitalité de l'observatoire.

Le Suivi Photographique des Insectes POLlinisateurs est un des programmes phares de Vigie-Nature. Accessible à tous, il consiste à choisir une plante et à photographier tous les insectes se posant sur ses fleurs pendant une durée déterminée. Ensuite, les participants sont invités à se connecter sur le site du SPIPOLL pour y créer une collection de photos. Chaque plante et espèce d'insecte est identifiée à l'aide d'une clé d'identification.

Comme nous l’avions évoqué ici-même, le post-doctorant Nicolas Deguines avait  déjà étudié la façon dont les participants au SPIPOLL apprenaient à identifier correctement les insectes au fil du temps. Il avait observé que plus les photographes amateurs commentaient les collections, plus ils parvenaient à identifier facilement les insectes.  

Cette fois Ana Cristina Torres, chercheuse au CESCO (Centre d'Ecologie et des Sciences de la Conservation) s'est penchée sur un échantillon de 7858 commentaires provenant de 130 participants différents. Son interrogation : de quoi peuvent donc bien parler les spipolliens ?

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Exemple de commentaires sur une collection SPIPOLL

 

Ethnographie virtuelle

Depuis plusieurs mois Ana passe donc à la loupe les contenus de ces petits messages. Un travail long, fastidieux mais passionnant au vu des premiers résultats obtenus. « Nous pension au départ que les gens parleraient surtout d'identifications d'insectes, de caractéristiques morphologiques, phénotypiques, comme la taille des antennes ou encore la forme des pattes » se souvient-elle. Finalement, en analysant les contenus, l’hypothèse de départ fut battue en brèche : « il en est ressorti une diversité d'interactions et de relations entre spipolliens complètement inattendus. » La chercheuse a ainsi pu classer les commentaires en 11 catégories. Même si 90% des messages peuvent se ranger dans les 4 premières.

1-L’admiration (34%)

Contre toutes prédictions, un bon tiers des commentaires n’ont rien de scientifique : ils portent sur l’admiration des collections ! « Très belle photo », « super belle collection », les considérations sur l'esthétique d'une fleur, d'un insecte ou la beauté d'un lieu semblent largement préoccuper les observateurs.

« Très belle photo »

2-L’identification (20,4%)

Très attendus, les messages concernant l'identification arrivent seulement en deuxième position. Ils contiennent des approbations, réfutations, interrogations au sujet d’une espèce ou d’un groupe proposé.  « Non ce serait plutôt un Bruchidae groupe des Bruches [...] Les dermestes ont des antennes en massue alors qu’ici les antennes sont filiformes » déclare un spipollien qui, comme beaucoup d’auteurs, n’hésite pas à employer des termes techniques : noms scientifique de l’insecte ou de la fleur, traits morphologiques, types de pates et d’antenne etc.

« Non ce serait plutôt un Bruchidae groupe des Bruches [...] Les dermestes ont des antennes en massue alors qu’ici les antennes sont filiformes »

3-Conversation amicales (18,5%)

Autre surprise : arrivent en troisième les conversations de type amical et convivial. « Bonsoir ! Il y a bien longtemps qu'on ne vous voyait plus... » ou encore « Hello ! C'était d'agréables moments de partage, vous savez que vous revenez quand vous voulez ! ». Des blagues, des poèmes, des encouragements peuvent s’y glisser. « La bienveillance qui s'est installée au sein des échanges est très importante pour permettre à chacun de faire partie de cette communauté d'apprentissage » explique Ana. Tous ces échanges témoignent en effet d’une véritable communauté SPIPOLL, à la fois en ligne et sur le terrain.

Hello ! C'était d'agréables moments de partage, vous savez que vous revenez quand vous voulez !

4-Conversation scientifiques (17%)

A leur tour les commentaires purement scientifiques s’avèrent riches d’enseignement. Dans cette communauté qu'ils ont créée autour de leur intérêt commun, les spipolliens se donnent des pistes non seulement pour savoir identifier les plantes et les insectes, mais aussi pour en apprendre sur la biodiversité, la biologie et l'écologie. Exemple : « Les fleurs du Platanthère à deux feuilles dégagent leur parfum pendant la nuit. Elles attirent les papillons de nuit qui, tout en polonisant la fleur, peuvent accéder au nectar enfermé dans l’éperon, grâce à leur longue trompe ». Précisions sur l'écologie d'une plante ou d'un insecte, évolution des observations au fil des années, conseils sur la réalisation du protocole... les réflexions peuvent atteindre un haut niveau, en tout cas bien au-delà de ce que suggère le protocole.

  Les fleurs du Platanthère à deux feuilles dégagent leur parfum pendant la nuit. Elles attirent les papillons de nuit qui, tout en polonisant la fleur, peuvent accéder au nectar enfermé dans l’éperon, grâce à leur longue trompe

 

spipoll ©  Laetitia Brevet

« Certains spipolliens ne se limitent pas à envoyer des photos des insectes, constate Ana, ils animent les réseau d’observateurs par leurs commentaires, ils donnent des conseils et proposent des améliorations du programme. » Des messages s'adressent même directement aux chercheurs, questionnant des problématiques précises ou faisant part de leur envie d’avoir des retours réguliers. Les participants sont devenus carrément partie prenantes de l’observatoire. Ce degré d’implication ne concerne évidemment pas tout le monde. Si les plus actifs sont capables, une fois leurs photos en ligne, de commenter celles des autres, d’autres se contentent de faire de belles collections ; d’autres encore passent le plus clair de leur temps dans les interactions. Pour la chercheuse, « cela montre que chacun peut trouver une place et une utilité dans cette communauté ». Chacun son SPIPOLL.

Maintenant qu’elle y voit un peu plus clair dans cette nébuleuse virtuelle, la chercheuse poursuit son analyse ethnographique 2.0. Elle observe notamment l’évolution de ces catégories dans le temps. « Il semblerait que ces dernières années les commentaires sur les identifications baissent au profit de ceux portant sur l’écologie. Cela pourrait signifier que les participants ayant progressé dans l’identification commencent à se poser des questions plus larges. » Des hypothèses pour l’instant, qui demandent un peu de temps pour pouvoir être confirmées. Ce réseau social n’a certainement pas fini de nous surprendre.

Rejoignez la communauté du SPIPOLL et observez nos pollinisateurs !

logo SPIPOLL

 

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Les échanges ont été répartis en 11 catégories 

 

 

 

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