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streets ©anokarina

sTREEts : le nouvel observatoire de la flore aux pieds des arbres

Sciences participatives

 

Cette année la famille Vigie-Nature s’agrandit avec deux nouveaux programmes, Plage-Vivante dont nous vous reparlerons prochainement (lancement en mars) et sTREEts, le « petit frère » en quelque sorte de Sauvages de ma rue. Mais alors que celui-là vise à recenser la flore urbaine d’une manière générale, celui-ci se focalise sur les pieds d’arbres, ce rayon de terre étroit qui fait l’interface entre le trottoir et le tronc. 

« regarde un pissenlit ! » . Ce jour-là, au Parc du Sausset (93) une quinzaine de passionnés de botanique, sont conviés pour tester le tout nouveau protocole. Après avoir identifié une rangée de 10 pieds de marronniers bien alignés, les participants se plongent tête baissée sur ce petit tapi vert entourant le tronc. Malgré la saison et l’absence de fleur, les participants parviennent à distinguer plantains, pissenlits, trèfles… Certains s’aident du guide Sauvage de ma rue, d’autres, sûrs d’eux-mêmes, notent les espèces sans hésiter sur leur fiche de terrain.

Foisonnement aux pieds des arbres

Depuis quelques années la nature refait surface dans les villes. Dans les microfissures des murs, les interstices des trottoirs : partout où le béton et l’asphalte s’ébrèchent, la végétation s’engouffre. C’est ce verdissement de l'urbain qui a poussé Nathalie Machon, chercheuse au Muséum, à imaginer en 2011 Sauvage de ma rue, notre protocole de référencement de la flore urbaine. Aujourd'hui le programme rencontre un vif succès auprès du grand public : plus de 90 000 données de plantes ont pu être récoltées, par plus de 1700 contributeurs !

Depuis l’abandon des herbicides chimiques pour nettoyer les chaussées, les observations de Sauvages de ma rue témoignent d’un véritable épanouissement de la flore dans une zone habituellement négligée : les pieds d'arbres. Depuis qu’on laisse la végétation se répandre dans les villes, mais surtout depuis l’interdiction des produits phytosanitaires, les pieds d'arbres ne sont plus de simples réceptacles pour déjections canines. Ils sont devenus un véritable refuge pour la flore sauvage.

streets © noelie morel

L'abandon des produits phyto entraîne un épanouissement de la flore aux pieds des arbres

Nathalie Machon et son équipe ont alors décidé de creuser le sujet. "Il y a 10 ans  nous avons commencé à travailler sur la flore de 1500 pieds d’arbres situés dans le quartier de Bercy à Paris. Les résultats étaient tellement intéressants que nous avons souhaité étendre notre étude à d’autres quartiers, d’autres villes, pour voir si les premiers résultats étaient généralisables."

Parallèlement, depuis quelques années, de nombreux bénévoles inconditionnels de Sauvages de ma rue faisaient part de leur envie de s’investir davantage, d’apporter de nouvelles contributions. C'est pour répondre à cette soif ainsi qu’aux besoins de nouvelles données sur cette communauté végétale méconnue, que l’idée de Streets a fini par germer. "Aujourd'hui on peut trouver entre 200 et 250 espèces de végétaux aux pieds des arbres, avec une cinquantaine qui reviennent très fréquemment" précise Nathalie Machon.

Streets

 

Comment se propagent les plantes d’un pied d’arbre à l’autre ?

Outre le recensement des espèces, Streets vise à répondre à une question qui intrigue les chercheurs : comment les espèces végétales utilisent-elles les pieds d’arbres pour se déplacer dans les villes ? En effet, si la densité du bâti peut constituer un filtre pour la dispersion des graines, les pieds d’arbres font office de trame verte permettant aux  plantes de se déplacer de tronc en tronc. Cela concerne principalement les végétaux qui produisent beaucoup de graines et se dispersent facilement (par le vent, les bas de pantalons…). Ces « sauts de puce » peuvent ainsi créer des connexions : « on sait par exemple que les pieds d’arbres peuvent faire le lien entre les différents espaces verts d’une ville. » précise Nathalie.

Les études des arbres du quartier de Bercy ont permis aux chercheurs de distinguer plusieurs stratégies de dispersion : « les espèces qu'on retrouve aux pieds d'arbre se classent en deux grandes catégories. Il y a celles qui vont avancer doucement et ne vont pas aller très loin, et celles qui connaissent une dissémination très rapide et globale. » Ces dernières, très efficaces, peuvent envahir des quartiers entiers ! Leur secret ? l’enfouissement. Les plantes étant très vulnérables à la surface du sol, leurs graines vont rester dans le sol un peu plus longtemps, ce qui leur assure une germination plus certaine quand les conditions météo sont favorables. Au-delà de ces deux catégories, on s’est aussi rendu compte que « la vitesse et la distance de propagation varient en fonction des plantes. On se demande même si plusieurs espèces ne se déplacent pas ensemble ! » Des lentes, des rapides, des collectives… il y a encore tout à apprendre de ces petites plantes voyageuses. « Et enfin on va aussi voir si elles réagissent de la même façon au changement climatique » ajoute Nathalie.

Atelier Streets © SA Tela Botanica

Des participants attentifs lors d'un atelier test (par Serge MARIE)

Des milieux fragiles

Streets s’inscrit dans cet objectif plus général de comprendre le fonctionnement de la biodiversité en ville. Et de mesurer l’influence de l’abandon de l’utilisation des herbicides chimiques sur la voie publique.

L’autre visée est plus politique. S'il arrive que les villes se tournent vers d’autres méthodes autorisées (arrachage, eau bouillante...) pour désherber les pieds d'arbres, il n’est pas rare que les gestionnaires laissent désormais ces espaces tranquilles. Mais encore faut-il les entretenir :« ce sont des milieux fragiles, rappelle Nathalie. S’ils ne sont pas arrosés ils disparaissent pendant l’été»

Les résultats devront donc permettre de mettre en lumière cette flore pour encourager à la préserver. Une biodiversité par ailleurs de plus en plus reconnue pour ses bénéfices en matière de bien-être et de santé pour les habitants.

A la fin de l'atelier au Parc du Sausset, les participants quittent leurs pieds d'arbres, avec la ferme intention de se retrouver en groupe pour les premiers relevés. "Ce qui est rigolo est de découvrir combien d’espèces poussent. On a l’impression que ce ne sont que des mauvaises herbes mais après avoir regardé dans le détail on a trouvé 6 ou 7 espèces alors qu’on n’est pas à la bonne saison." me confie un participant, enthousiaste.

 

Plus d'information très prochainement sur le site de Vigie-Nature, et sur Tela Botanica, copilote du projet.

Lancement prévu fin avril !

 

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