Lors du colloque international « Avifaune et changements climatiques » conjointement organisé par la LPO et le Muséum national d'Histoire naturelle les 09 et 10 octobre 2015, les bénévoles observateurs des oiseaux ont longuement été remerciés par les chercheurs. Sans eux, les belles cartes de leur répartition actuelle et passée ne seraient certainement pas aussi précises !
Carte animée des observations Dickcissel d'Amérique (Spiza americana) basée sur les données eBird © Audubon and Cornell Lab of Ornithology
Des cartes animées nées de multiples observations
Celles du Dr. Benjamin Zuckerberg, directeur du Zuckerberg Lab à l'Université du Wisconsin-Madison aux États-Unis étaient si impressionnantes qu'il régnait un silence ecclésiastique dans le grand amphithéâtre du Muséum. Sous nos yeux Benjamin faisait défiler les flux migratoires d'espèces d'oiseaux suivis au cours des saisons par plusieurs milliers d'observateurs volontaires nord-américains.
Des oiseaux à Noël
Depuis 1900, à travers un programme nommé Christmas Bird Count, l'Audubon Society invite les citoyens américains a compter les espèces d'oiseaux hivernants en des lieux précis répartis sur l'ensemble du territoire du 14 décembre au 5 janvier. 712 480 personnes ont participé en 2014 !
Des oiseaux toute l'année
En parallèle de ce programme précurseur de sciences participatives, d'autres sont venus le compléter. Comme le North American Breeding Bird Survey, débuté en 1966, Feederwatch, crée en 1990, et qui s'apparente à BirdLab par l'observation des communautés d'oiseaux sur une seule mangeoire lors de la saison hivernale et enfin eBird, fondé en 2006, qui récolte 25 000 000 observations par mois.
Espèces d'oiseaux américains © Alice Kahn | Cornell Lab of Ornithology
Des oiseaux modélisés
Grâce au projet Feederwatch, Benjamin et Karine Princé, chercheuse dans notre laboratoire (lire aussi Quand les données de Vigie-Nature permettent de prévoir l'avenir) ont pu montrer qu'en 22 ans, les communautés hivernales d'oiseaux se sont modifiées dans les régions de l'Est nord américain. Les espèces adaptées à des températures clémentes ont profité de la hausse des températures en hiver pour coloniser de nouveaux territoires situés plus au nord de leur aire de répartition habituelle. L'article scientifique est ici.
Cardinal rouge et mésange bicolore © Anjela Barnes | Cornell Lab of Ornithology
Un effort invisible mais récompensé
Alors oui, les programmes de suivis des oiseaux auxquels vous participez (ou pas) sont utiles aux scientifiques. Benjamin n'a pas manqué de conclure sur une publication montrant l'effort invisible mais nécessaire des « non scientifiques » pour comprendre les effets du changement climatique sur les oiseaux migrateurs : The Invisible Prevalence of Citizen Science in Global Research: Migratory Birds and Climate Change, publié dans la revue PLOS One en 2014. Pour Benjamin, les participants peuvent eux-mêmes observer les impacts du changements climatiques chez eux à force d'observer les oiseaux.« Nous n'avons jamais eu autant de participants ! Je suppose qu'ils sont heureux de participer à des programmes scientifiques qui ont du sens. » m'a-t-il confié à la fin de la journée.
Suite à cette présentation, Nidal Issa, coordinateur de l'Atlas des oiseaux de France à la LPO nous a présenté les résultats des tendances générales des communautés d'oiseaux nicheurs en France. Avec une élévation des températures moyennes, il était plutôt prévisible d'observer un reflux des espèces nordiques vers le nord-est de la France et une progression d'espèces méridionales vers le nord via le littoral et les grandes vallées alluviales de la Garonne, du Rhône et de la Loire.
Cochevis de Thékla © BirdinginSpain | Wikimedia Commons
Le sud se transforme
En revanche, il était moins prévisible d'observer une diminution de ces espèces « du Sud » (Cochevis de Thékla, Pie-grièche méridionale, Traquet oreillard) dans le sud ! D'après Nidal, la déprise agricole et l'abandon du pastoralisme entraîneraient une transformation des milieux ouverts vers des habitats boisés plus frais, défavorables aux espèces appréciant la chaleur.
Le STOC au programme
Enfin Pierre Gaüzère, doctorant à l'Université de Montpellier a présenté ses travaux réalisé avec les chercheurs Vincent DeVictor et Frédéric Jiguet sur les changements des communautés d'oiseaux grâce au Suivi temporel des oiseaux communs (STOC). Il semblerait que lorsqu'un certain niveau d'intensité du changement climatique est atteint, les communautés d'oiseaux s'enrichissent en espèces généralistes, au dépend des espèces plus spécialisées dans leur habitat (ici l'article scientifique).
Vous voilà prêt pour attaquer la COP 21 !
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Lisa Garnier, le lundi 26 octobre 2015
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→ Le Muséum organise une journée thématique "Sols-Biodiversité-Climat », le samedi 5 décembre en lien avec l’année internationale des sols. Rose-Line Preud'Homme, coordinatrice de l'Observatoire Agricole de la Biodiversité sera présente. Le programme est ici. Sur inscription uniquement.
→ Souhaitez-vous, vous aussi, contribuer à des études sur le suivi des oiseaux en France ? Inscrivez-vous à Oiseaux des jardins, ou si vous êtes plus confirmés, tentez le Suivi hivernal des Oiseaux Communs (SHOC).
Dernière parution avec les données du suivi temporel des Oiseaux communs (STOC) :
Continent-scale global change attribution in European birds - combining annual and decadal time scales. Peter Søgaard Jørgensen et al. 2015. Global change biology. Les auteurs (au nombre de 17) ont analysé les taux de croissance des populations d'oiseaux dans 18 pays européens sur les 20 dernières années. Ils montrent que les populations des espèces méridionales augmentent et que les oiseaux migrateurs sur de longues distances ainsi que les espèces spécialistes des campagnes décroissent. A découvrir là.