C'est toujours un plaisir d'annoncer la publication d'un article scientifique (ici) dont les données proviennent de nombreuses personnes bénévoles et appliquées à suivre un protocole (rappel dans ce post).
Bravo et merci à ces paparazzis d'un nouveau genre !
L'objet d'étude : les galeries du Suivi photographique des insectes pollinisateurs (Spipoll)
Grâce aux collections photographiques d'insectes - plus de 7 000 espèces - réalisées sur 1 606 plantes à fleurs à travers la France pendant trois ans, Nicolas Deguines, chercheur au Museum national d’Histoire naturelle et à l’université de Berkeley en Californie, et ses spipolliens associés, Romain Julliard et Colin Fontaine du laboratoire Cesco et Mathieu de Flores de l'Opie, ont montré que les villes « filtrent » les espèces d'insectes.
De la campagne à la ville
Plus on s'enfonce dans la jungle urbaine, plus on perd en chemin des espèces de coléoptères (coccinelles, carabes), de diptères (mouches, syrphes) et de lépidoptères (papillons). C'est d'ailleurs les papillons qui pâtissent significativement le plus du filtrage de la ville. La richesse en insectes pollinisateurs diminue donc lorsque l'on pénètre dans les agglomérations.
Hespèrie fauve © Barbara Mai | Spipoll
Moindre sensibilité des hyménoptères
A noter que les hyménoptères (abeilles, bourdons) ne montrent pas tout à fait la même sensibilité au milieu urbain. Un résultat qui est cohérent avec les résultats précédents du suivi photographique des pollinisateurs et une autre étude réalisée au Royaume-Uni.
Les insectes spécialistes sont les grands perdants
Pour les chercheurs, ce filtrage fonctionne au profit des espèces généralistes, même chez les hyménoptères, capables de se nourrir et de se reproduire grâce à plusieurs variétés florales. Ainsi observe-t-on plus souvent des bourdons jaunes et noirs et des hespéries fauves en ville que des Chrysides et des papillons vulcains.
Chryside © Steed | Spipoll
Privilégier les plantes particulièrement accueillantes
Ce résultat s'explique pour une bonne partie par les plantes qui poussent en ville. Certaines familles sont en effet capables d'accueillir plus ou moins d'insectes pollinisateurs spécialistes. Les fleurs de lierre, par exemple, seul représentant de la famille des Araliacées en France, nourrissent la plus grande communauté d'insectes spécialistes (lire aussi l'incontournable lierre ici). Cette plante devrait donc être privilégiée dans les aménagements urbains. Tout comme les plantes de la famille des Apiacées, celle aux ombrelles délicates.
Carte géographique sur Apiacée © Cristian Arghius | Flickr
Mais pour Nicolas Deguines, « privilégier une ou deux espèces ne suffit pas, il faut surtout augmenter la diversité en espèces florales dans les villes pour conserver la diversité des insectes ».
A quand des zones industrielles aux pelouses non tondues regorgeant de trèfles (lire le post ici) et aux grillages recouverts de haies de lierre ?
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Lisa Garnier, le lundi 14 mars 2016
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Le + : Dans le même esprit et pour les amateurs d'oiseaux, j'ai trouvé cette étude (ici) réalisée à partir du Christmas Bird Count, un programme américain de science participative qui date de 1901 montrant l'homogénéisation des espèces d'oiseaux hivernants dans les villes américaines.
Agenda
→ Les 18 et 19 mars à Lyon, retrouvez Vigie-Nature à Super Demain, deux jours consacrés à la maîtrise des écrans et du numérique. Ce sera l'occasion de découvrir BirdLab, notre application de sciences participatives pour étudier le comportement des oiseaux. Les informations ici.