Dans mon potager, je garde précieusement un pied d'ortie : pour la soupe hivernale, certes, mais aussi pour avoir l'occasion de croiser des papillons dans mon jardin.
Je fais bien !
Et bien, une expérience réalisée par des chercheurs belges vient de montrer que ces orties « urbaines » permettent à près d’un quart des chenilles de paon du jour d’atteindre l’âge adulte contre un peu plus d’une sur sept pour les orties poussant en bord de champs cultivés. Le must étant les orties poussant en forêt : celles-là permettent à quasiment une chenille sur trois de devenir un papillon !
Les orties, quoiqu'on en pense, nous sont liées.
Plantes aimant les sols riches en azote, les orties abondent là où nous vivons et ce, depuis.... très longtemps. Sachez que le pollen des orties est un indicateur reconnu pour suivre nos sociétés humaines en archéologie. D'ailleurs, un temps cultivées, nous les aurions presque domestiquées. Aujourd'hui, elles s'étendent avec nous et homogénéisent le paysage. Elles constituent cependant « le fourrage » de nombreux insectes, attirant autant de leurs prédateurs. Bref, l'ortie est un écosystème à elle seule (lire un article de l'Opie ici).
Une étude pour ceux qui pensent à la faune auxiliaire des cultures
Pour en revenir à l'étude de Mélanie Serruys et Hans Van Dyck de l'Université Catholique de Louvain, les deux chercheurs se sont justement demandés si cette plante qui pique et qui « nous suit » permet aux chenilles de paon du jour de se développer correctement quel que soit le lieu de vie et l’intensité de nos activités humaines (lire "cauchemards de souris devant un paon du jour" pour en savoir plus sur le cycle de vie du papillon). Avouez que pour les amateurs de papillons et d'ortie, c'est important. Est-ce que les orties de mon jardin profitent finalement aux papillons ?
Paon du jour sur ortie © Wolfgang Düring | Lepiforum.com
Des orties mises en cage
Pour cela, ils ont volontairement introduit des chenilles sur des orties poussant en trois lieux différents : jardins urbains, bords de champs cultivés et forêt. Pour éviter qu'elles ne se fassent trop parasiter – ils ne comptaient pas étudier le taux de parasitisme sur les chenilles – ils les ont mis en cage. Avec une maille de un millimètre, les parasites les plus gros étaient tenus à l’écart.
Les mesures
La température aux abords des plantes nourricières était mesurée toutes les 30 minutes et la quantité d'azote de leurs feuilles déterminées. Le décompte des chenilles s'est fait toutes les semaines, les chrysalides comptabilisées et emportées au laboratoire pour que la métamorphose en papillon s'effectue dans des conditions identiques pour les trois lieux.
Chenille de paon du jour © Thomas Bresson | Wikimedia commons
Des papillons gros et gras
Si l'effet de la température et du taux d'azote contenu dans les feuilles n'ont pas eu d'incidence très significative sur le développement des chenilles, Mélanie et Hans montrent qu'en revanche, les papillons les plus costaux (77,5 mg en moy.) et les plus gras sont ceux dont les chenilles ont grandi en bordure de champs. A l'opposé, les papillons des jardins étaient plutôt chétifs (67,5 mg), presque aussi chétifs que les forestiers (66 mg).
Plus léger mais plus goulu ?
Voilà donc des chenilles qui survivent mieux en forêt, mais qui donnent des papillons « rabougris ». Alors vaut-il mieux pour les populations de papillons d'avoir plus de survivants quelque soit leur poids ? Ou est-ce le poids et la quantité de lipide qui importe pour la survie des adultes lors de la saison hivernale ? L'étude pose plus de questions qu'elle n'en résout. Comme souvent dans la recherche !
Paon du jour sur buddleia © pometias | participant Spipoll
Que se passe-t-il ensuite dans les jardins urbains ?
Pour ma part, je me suis demandée quelles espèces de fleurs les paons du jour butinent dans les jardins urbains ? Choisissent-ils des fleurs riches en nectar ? J'ai donc demandé à Grégoire Loïs de Vigie-Nature de pister les paons du jour dans les jardins urbains et péri-urbains grâce au Suivi photographique des insectes pollinisateurs. Résultat :ces papillons se retrouvent dans une collection sur quatre sur les buddleias. Viennent ensuite trois espèces sauvages : le lierre, le sureau yèble et la matricaire sans ligule.
Est-ce bon signe pour leur croissance et leur survie ?
Allez, il ne vous reste plus qu'à adopter un pied d'ortie (une recette de cake à l'ortie ici) et à participer à l'observatoire des papillons des jardins et au Spipoll.
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Lisa Garnier, le lundi 25 août 2014
Pour s’abonner au blog, cliquer sur lgarnier@mnhn.fr
→ Pour participer à l'Observatoire des papillons des jardins, animé par Noé conservation c'est ici.
→ Pour suivre les insectes pollinisateurs dans votre jardin avec votre appareil photo, c'est là. Le Spipoll est animé par l'Opie.
→ Pour découvrir la matricaire sans ligule dans les rues, c'est ici avec Sauvages de ma rue. Un observatoire animé par Tela Botanica.
→Development, survival, and phenotypic plasticity in anthropogenic landscapes: trade-offs between offspring quantity and quality in the nettle-feeding peacock butterfly, 2014. M. Serruys and H. Van Dyck, Oecologia.
→Pour partager l'article, utilisez http://bit.ly/1v1n82f
--> Et n'oubliez pas notre questionnaire à propos du blog ici.
English version : Do kitchen garden nettles benefit to peacock butterflies ?
In my kitchen garden, I always keep some nettles: not only for winter soup, but also to attract butterflies around the house.
Right!
Indeed, I was pleased to read that urban garden nettles are good enough for peacock larvae growth. Two Belgian researchers, Mélanie Serruys and Hans Van Dyck of Université Catholique de Louvain have shown that garden nettle can be beneficial for butterfly development. In fact, their experiment shows that one quarter of peacock larvae reach the adult stage when feeding on urban nettles. That's a good score as only one out of seven reached this stage when the larvea where feeding on nettles growing in field margins. The best nettles, however, are found in woodlands where one third of the larvae had a chance to become a butterfly!
We are linked to nettles
Nettles are growing in rich nitrogen soil, they flourish where we are living and this since a long time. Nettle pollen, for example, is often used as indicator of human societies in archeology. While there was a time where nettle was cultivated and nearly domesticated, today it expands widely and homogenize the landscape. They provide resources for many insects and ultimately can also benefit their predators. Nettle is an ecosystem by its own.
A study for people interested of auxiliary fauna.
To return to Mélanie and Hans study, the researchers wondered if this sticky plant allows peacock larvae to develop successfully where ever it grows or does the intensity of human activities play a role? For butterfly lovers, that's important, isn't it? Do my garden nettles have a positive contribution to biodiversity, at least for some butterflies? (to read about his life cycle, click here)
Nettles in cage
In their experiment, they introduced peacock larvae on nettles growing in three different sites: woodlands, field margins and urban gardens. To avoid parasitoids – they didn't want to study the parasitism rate – they netted the nettles. The netting of the cage was small enought (one mm), so only small parasitoids could get inside.
Measurements
Ambient temperature was measured every 30 minutes at the level of the host plant and nitrogen content of nettle leaf analysed. Presence of larvae and pupae was recorded weekly and pupae were brought to the laboratory to standardized environmental conditions for the emergence of butterflies.
Big and fat butterflies
While temperature and nitrogen rate in leaf had no significant effects on larvae development, Mélanie et Hans showed that the bigger and fatter butterflies (77,5 mg) were those who had developed in field margins. Garden butterflies were stunted (67,5 mg), nearly as slim as woodland butterflies (66 mg).
Lighter but more greedy?
Larvae are then surviving better in woodland, but are also developing in stunted butterflies. What's the best for butterfly populations? Is it the number of surviving adults, whatever their body mass? Or is the body mass and lipid content more important for the survival of adults before winter? The study rises many questions.
So what happen next in urban garden ?
For my part, I wondered which flowers the butterflies are feeding on when they emerge in urban garden. Do they choose some rich nectar flowers? I asked Grégoire Loïs at Vigie-Nature to track urban and sub-urban garden's peacocks within the Spipoll database. Results : in one collection out of four, butterflies are feeding on Buddleja, no wonder it is called butterfly bush. Nevertheless, peacocks were also found on wild species such as ivy, danewort and pineappleweed. Is this good or not?
Now, you know what you have to do: adopt a nettle!