Depuis la publication du post Les sauterelles au micro des chercheurs (ici) en juin 2013, le suivi des orthoptères a tracé son chemin. Avec ses améliorations techniques et son lot de publications scientifiques très récentes (là et là).
Des studios d’enregistrement en plein air
Parce que comme vous le savez, il est un besoin évident de suivre les communautés d’insectes qui disparaissent silencieusement. L’avantage du suivi des chauves-souris, Vigie-Chiro, c’est l’enregistrement simultané d’une large gamme de fréquences de sons incluant les ultra-sons émis par les chauves-souris et les insectes, tout particulièrement ceux des sauterelles mâles (ici un site avec les "chants").
Deux musiciennes de renoms
Yves Bas, spécialiste en éco-acoustique s’est essayé à la détection semi-automatique de deux espèces communes, la grande sauterelle verte (Tettigonia viridissima) et le Conocéphale gracieux (Ruspolia nitidula), dans les enregistrements des participants à Vigie-Chiro réalisés sur 27 circuits dans le nord de la France de 2006 à 2012.
Un son inimitable
Pourquoi ces deux espèces ? Parce que leurs « interprétations musicales » se détectent facilement dans un rayon de 100 mètres et que leurs fréquences d’émission ne se chevauchent pas avec d'autres.
Des harpistes plus ou moins carnivores
J’ajoute pour votre culture naturaliste que la grande sauterelle verte est une des plus grandes sauterelles d’Europe et qu’elle se nourrit principalement de mouches, de papillons et de chenilles et que le Conocéphale gracieux mélange plantes et insectes à son menu.
Bravo !
L’essai de Yves s’est révélé payant ! Avec les chercheuses Alienor Jeliazkov, Caterina Penone et Isabelle Le Viol ainsi que les chercheurs, Christian Kerbiriou et Jean-François Julien, Yves montre pour la première fois qu’il est possible de suivre les populations d’insectes musiciens au cours du temps en différents lieux.
Grande sauterelle verte © Salvo Vasta | Flickr
La répartition des concerts
Sans trop de surprise, l’équipe a pu montrer que les concerts de sauterelles sont moins à l’affiche aux abords des villes et des forêts. Typiques des prairies et des lisières, ces deux espèces étaient peu attendues dans ces milieux. En effet, Caterina avait déjà montré que l’abondance en individus et la richesse en espèces de sauterelles diminuent avec l’urbanisation (là).
Baisse de fréquentation des festivals estivaux
La surprise est surtout venue du suivi temporel des concerts de sauterelles. D’année en année, les chercheurs ont noté la fermeture de 20 % des festivals musicaux chez ces deux espèces. Une baisse considérable répartie de la Bretagne à la région Centre.
Conocéphale gracieux © fotobypedro
Comment expliquer cette baisse d'activité ?
« Les sauterelles peuvent avoir des variations d’effectifs très importantes d’une année sur l’autre » m’a confié Isabelle Le Viol. « Elles s’expliquent en partie par les conditions météorologiques : l’abondance observée un été est, par exemple, influencée par les températures de l’été précédent ou la pluviosité du printemps. »
Des faits à confirmer
« Cependant, il est certain que l’on détecte une baisse significative sur les six années d’étude. Il s’agit maintenant de mieux la comprendre. Est-elle présente à plus large échelle ? Chez d'autres espèces ? ».
Grande sauterelle verte © Zbigniew Krawczyk | Flickr
Des tables de mixage d'un nouveau genre
« Yves développe la reconnaissance automatique d’autres chants de sauterelles pour rendre cette technique de suivi des insectes plus performante et plus sûre. L’intérêt est de pouvoir développer un nouvel indicateur de la diversité de ces insectes qui subissent tout autant que les autres les modifications environnementales (usage des sols, climat…) ».
Cet été, profitez des concerts de sauterelles ! Pas sûr qu’elles soient toujours là dans quelques années.
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Lisa Garnier, le lundi 11 avril 2016
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! Le plus !
Dans Quel est l'état de santé de la biodiversité dans votre région ? Le cas de l’Île-de-France, je vous parlais de l’importance des haies pour les communautés de papillons. Aurélie Lacoeuilhe, Nathalie Machon, Jean François Julien et Christian Kerbiriou viennent d’en montrer les effets bénéfiques pour les chauves-souris et certaines espèces d’orthoptères dans Effects of hedgerows on bats and bush crikets at different spatial scales ici.
FORMATION à l'Office pour les insectes et leur environnement (Opie)
L'Opie organise des formations sur les orthoptères pour les débutants du 29 août au 2 septembre 2016 (là) et du 5 au 9 septembre 2016 pour les confirmés (ici).