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Quels nouveaux lieux de vie des espèces avec le changement climatique ? Le cas de l'Outarde houbara.

Sciences participatives

Si les suivis des oiseaux, des plantes et des insectes des observatoires de Vigie-Nature permettent de comprendre comment les espèces évoluent sur un territoire en fonction du changement climatique (un article déjà publié ici), on peut aussi se demander si celles-ci vont toutes pouvoir se déplacer à l'avenir et trouver refuge dans de nouveaux lieux correspondant à leurs besoins.

Dans le cas de l'ours polaire, on visualise tout de suite le problème, puisqu'il ne peut pas trouver de régions plus fraîches que le Pôle Nord.

Qu'en est-il de l'Outarde houbara ?

 

À l'opposé de l'ours polaire, l'Outarde houbara, vit dans un désert de roches et de sables où de rares touffes d'herbes et d'arbustes égayent l'aridité des lieux. L'oiseau à l'œil jaune connu pour ses parades nuptiales spectaculaires peut ainsi être observé du Maroc à l'ouest du Nil pour l’espèce africaine, et de l'est du Nil au désert de Gobi pour l’espèce asiatique. Au vu de sa localisation, on a vite fait de penser que le changement climatique et ses augmentations de températures devraient lui ouvrir de nouveaux horizons ! 

Ci-contre: Un beau portrait d'Outarde © IFHC

 

 

Ci-dessus: Habitats naturels de l'Outarde © IFHC

Certes, mais est-ce si simple ?

Évidemment, prédire le comportement des individus d'une espèce n'est pas si simple. Il faut d'abord très bien connaître les lieux de prédilection des outardes aujourd'hui, ceux où elles se reproduisent avec succès et ceux où elles survivent le plus longtemps. Une sorte de Vigie-Outarde très avancé, très technique !

Oui, mais pourquoi l'Outarde houbara ?

L'Outarde houbara « bénéficie » de son statut d'oiseau chassé par la fauconnerie traditionnelle arabe, un patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'Unesco (ici). Depuis 1986, cinq centres de recherche et de conservation ont été créés rien que pour ce seul oiseau : au Maroc, aux Emirats Arabes Unis, en Ouzbékistan et au Kazakhstan ! D'ailleurs, il y en a même à la Ménagerie du Jardin des Plantes.

Fauconnier traditionnel et son faucon © IFHC

L'objectif : renforcer les populations sauvages par des oiseaux élevés en captivité.

Plusieurs de ces centres, et notamment l’Emirates Center for Wildlife Propagation au Maroc, relâchent des outardes dans leur milieu naturel au sein de réserves protégées, mais aussi au sein de zones de chasse destinées à la pratique de la fauconnerie. Une chance pour Anne-Christine Monnet, docteur en Ecologie dans notre laboratoire CESCO, qui a utilisé les données recueillies par ce centre marocain pour améliorer des modèles assez compliqués en écologie, que l'on appelle les modèles de niches.

L'outarde relâchée se déplace vers... où ?

Anne-Christine a ainsi pu créer des cartes localisant les sites les plus et les moins favorables pour cet oiseau. Elle a également étudié la survie des outardes relâchées dans la nature. Lesquelles survivent le mieux ? L'outarde qui se déplace tout de suite vers un environnement de meilleure qualité par rapport à celui où on l'a relâchée ? Ou une outarde qui prend le partie d'aller vers un lieu, disons plus bas de gamme ?

Surprise !

Ni l'une ni l'autre, puisque celle qui survit le mieux est celle qui se déplace vers un environnement de qualité intermédiaire... Le top qualité doit être synonyme d'une compétition trop rude et le bas de gamme, de difficultés certaines ! Cependant Anne-Christine m'a bien indiqué qu'il vaut mieux relâcher les espèces aux abords des meilleurs lieux de vie prédits par son modèle. Son article scientifique est ici.

Et le changement climatique dans tout cela ?

On en vient à la question phare : l'outarde est-elle mieux lotie que l'ours blanc ? Finalement pas tant que cela. Voici ce que pourrait être la répartition de l'outarde en 2070 :

carte europ et afrique subsaharienne

Toutes les zones en vert sont susceptibles de les accueillir. On se dit "bonne nouvelle" ! Mais à y regarder de plus près toutes les zones situées sur le continent africain sont des régions agricoles ou urbaines où les oiseaux auront peu de chances de subsister. Les régions grises sont celles où les outardes vagabondent actuellement. Enfin, les zones en rose sont celles où les outardes risquent de ne plus pouvoir vivre. Conclusion : une aire de répartition en peau de chagrin, qui rejoint la situation de l'ours polaire.

À moins que les Espagnols décident de la ré-introduire sur leur sol ? Mais c'est une autre question. Faudra-t-il déplacer les espèces naufragées du changement climatique ?

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Lisa Garnier, le lundi 16 février 2015

Pour s’abonner au blog, cliquer sur lgarnier@mnhn.fr

→ Le travail d'Anne-Christine publié dans Oikos, Evidence of a link between demographic rates and species habitat suitability from post release movements in a reinforced bird population est le fruit de la coopération de plusieurs chercheurs du laboratoire CESCO fruit d'une collaboration entre des chercheurs du CESCO et de Reneco for Wildlife Preservation (à Abou Dhabi) : Loïc A. Hardouin, Alexandre Robert , Yves Hingrat et Frédéric Jiguet !

→ Retrouvez Vigie-Nature du 05 au 08 mars en Dordogne au Festival « la Chevêche ». Toutes les infos ici.

 

N'est-il pas mignon ? © IFHC

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