En tout début d’année 2006, juste avant le lancement de l’Opération Papillons (appelé alors Observatoire des Papillons des Jardins) avec l’association Noé, personne n’osait croire à un tel succès.
L’engouement
« On tablait sur 500 participants la première année » m’a confié Romain Julliard, directeur scientifique de Vigie-Nature. Mais ce sont 3500 personnes qui ont déposé leurs observations sur le site internet mis en ligne en juillet 2006 ! « Avec 15 000 inscrits à la newsletter ! L’engouement médiatique a été phénoménal et le public a suivi. » Dans la vie d’un chercheur, un buzz de cet ampleur, c’est plutôt rare.
Des insectes pollinisateurs victimes de l’urbanisation, de l’intensification des pratiques agricoles, du changement climatique
Et c’est tant mieux pour les populations de papillons communs dont certaines espèces sont en fort déclin en Europe. Notamment celles des prairies (lire ou relire Quand les citoyens donnent l’alerte ici). Complémentaire du suivi des papillons de jours (le Sterf) effectué par des naturalistes spécialistes, l’Opération Papillons a cette particularité de mesurer les variations des effectifs des différentes espèces dans les jardins. Jardins dont les particularités sont décrites par les participants (espèces de plantes, utilisation de produits phytosanitaires, etc.)
Pour la connaissance sur la biodiversité
En 10 ans, ce sont 10 035 volontaires qui ont fourni des données pour cet observatoire, soit 1 519 710 papillons dans près de 12 000 jardins différents ! Avec l’ensemble de ces données, plusieurs études ont été rédigées et cinq articles sont parus dans des revues scientifiques (retrouvez la liste ici et deux posts un là et l’autre ici). Les connaissances scientifiques ont donc progressé. Connaissances diffusées, connaissances digérées et vulgarisées, connaissances permettant l’amélioration de nos pratiques pour favoriser la biodiversité (retrouvez ici des résultats régionaux de Haute Garonne).
Pour agir
C’est d’ailleurs la principale raison pour laquelle les participants s’engagent. « En premier lieu, ils veulent aider à préserver la biodiversité » m’a expliqué Anne Dozières, co-directrice de Vigie-Nature, ayant coordonné l’enquête sur les observateurs en 2015 (lire ici). « Leur engagement tient aussi au souhait d’avoir une activité dans la nature et d’en apprendre davantage sur la biodiversité, plus que de participer à une activité scientifique ».
Pour s’améliorer
« Sans s’en rendre compte, les participants nous donnent aussi des idées » m’a expliqué Romain. « En remplissant les champs d’observations lors de la saisie des données, ils nous guident vers des améliorations possibles. C’est ce qu’il s’est passé avec les espèces de papillons dont nous avons complété la liste en 2008 ».
Piéride © Gigi | Flickr
Le point noir
Cependant, avouons-le, tout n’est pas rose avec un observatoire de cette ampleur ! Notamment, pour ce qui concerne la gestion du site de saisie des observations. « Nous n’avons pas réussi à le mettre en ligne lors du lancement en mars 2006. Les participants ont dû attendre juillet 2006. » Puis, en 2014 et 2015, le nouveau site de saisie a donné de nombreux cheveux blancs à Anne. La migration des données sur un nouveau serveur ne va pas de soi !
Des observateurs plus ou moins fidèles
« Et malgré tout, une bonne partie de nos premiers observateurs de 2006 sont toujours parmi nous, envoyant chaque année la plus grosse part des données» s’émerveille Romain. « 272 fidèles ont envoyé des observations tous les ans ces 10 dernières années. On leur doit beaucoup : une série temporelle de 10 ans, c’est très précieux ». Pour l’heure, il est difficile de maintenir une fidélisation du suivi chaque année pour une majorité de participants. « Le turn-over est d’environ 50 %. Il faut dire aussi que l’offre en science participative s’est diversifiée »
Argus bleu © Peter Broster | Wikimedia commons
Mais quel chemin parcouru ! Le premier protocole de suivi des papillons date de 1977 ! (ici l’article scientifique). Depuis, 22 pays européens s’attachent à suivre les populations de leurs papillons. Un guide du monitoring a même été édité (il est en anglais ici). Et pour les anglophiles, retrouvez l’état des populations des papillons anglais là.
10 035 observateurs c’est bien mais 10 036, c’est mieux non ?
Pour télécharger les feuilles de comptage, c’est ici.
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Lisa Garnier, le lundi 30 mai 2016