Une étude anglaise révèle les effets positifs du nourrissage des oiseaux. A quelques jours du lancement de BirdLab, ça ne pouvait pas mieux tomber.
La Grande-Bretagne est probablement la championne du monde du nourrissage des oiseaux. Aujourd’hui plus d’un jardin sur deux possède sa propre mangeoire. La quantité de graines et autres boules de graisse est telle qu’elle suffirait à nourrir environ 196 millions d’oiseaux, soit bien plus que la population totale des espèces concernées. Résultat, cette activité vieille d’au moins un siècle outre-manche est parvenue non seulement à rendre les jardins très accueillants mais aussi à modifier, sur le long terme, les populations d’oiseaux urbains. Chose qui n’avait jamais été constatée auparavant.
Explosion aux mangeoires… et à grande échelle
Pour étudier le phénomène, les chercheurs se sont appuyés sur les comptages d’oiseaux aux mangeoires menés par des volontaires du Garden Bird Feeding Survey, un programme de science participative du British Trust for Ornithology (BTO). Avec plus de 40 années d’existence, il s’agit du plus long suivi de ce type existant dans le monde. Pour les membres de Vigie-Nature, le GBFS se rapproche de Oiseaux des jardins : un comptage simple et hebdomadaire des oiseaux profitant des mangeoires.
A partir de ce précieux jeu de données, l’équipe de Kate Plummer a analysé l’évolution des communautés d’oiseaux signalés depuis la création du programme dans les années 70. Les résultats sont formels : le nombre et la diversité des espèces a clairement augmenté au fil du temps. Dans les années 70, seules deux espèces (moineau domestique et étourneau sansonnet) dominaient les mangeoires. Elles sont trois fois plus aujourd’hui ! Au début du programme, à peine 10% des bénévoles observaient des pigeons ramiers et des chardonnerets, alors qu’ils sont 80% quarante ans plus tard. Merles, pinsons, mésanges bleues, à longue queue et d’autres voient également leurs occurrences exploser. Sur les 39 espèces se nourrissant dans les jardins, les deux tiers affichent un changement positif significatif dans la durée.
Mais ce n'est pas tout ! En regardant l’évolution des populations au niveau national, les chercheurs ont retrouvé les mêmes tendances : les espèces qui ont investi massivement les mangeoires voient également leurs effectifs s’accroître à grande échelle. Alors que les autres restent stables. De quoi écarter l’idée d’un simple phénomène de déplacement, de changement d’aire de répartition. De plus, en focalisant sur d’autres régions, en campagne notamment, où les mangeoires sont bien moins implantées, le phénomène n’est pas perceptible.
Diversification alimentaire
Tout porte donc à penser que le nourrissage est responsable d’un accroissement démographique général des oiseaux abondamment nourris par des centaines de milliers de britanniques. En 40 ans, le nombre de mangeoire a certes explosé et a fortiori la quantité de nourriture, mais c’est surtout la diversification des aliments que pointent les chercheurs dans leur étude. Les publicités publiées dans Bird - magazine à gros tirage, plus de 2 millions de lecteurs - depuis 40 ans, en atteste : 10 produits sont proposés en 1973, contre plus de 110 en 2015 ! Les simples graines et cacahuètes ont laissé place, au cours des années 90, au graines de tournesol et autres boules mixtes à « haute énergie ». Business oblige, les industriels ont diversifié leur gamme afin de booster l’offre et attirer davantage d’espèces dans les jardins. « Cette augmentation extraordinaire des ressources alimentaires remodèle presque certainement des communautés d'oiseaux entières » concluent les auteurs.
Ces résultats témoignent pour la première fois de l’impact considérable du nourrissage de masse sur les populations à large échelle. Les chercheurs précisent tout de même que cela ne profite qu’aux espèces qui s’y approvisionnaient déjà, même de façon très marginale, ces dernières ne faisant qu’exploiter davantage une ressource de plus en plus accessible. Et alors que les plus imposantes (merles, pigeons) monopolisaient autrefois les victuailles, la diversification alimentaire et l’augmentation des mangeoires ont offert plus de place aux petits, comme les mésanges ou les pinsons. Cet apport de graisse ragaillardit ces frêles organismes alors plus aptes à surmonter l’hiver. Et à se reproduire.
De nombreux effets restent encore à comprendre, sur l’évolution de la distribution des populations, de la morphologie, du comportement des espèces… Une vigilance doit être également maintenue quant à l’hygiène, tiennent à préciser les scientifiques : la promiscuité peut propager certaines maladies, les mangeoires doivent donc rester propres. Toujours est-il que cette progression des passereaux urbains, par ailleurs malmenés par les changements globaux, est une bonne nouvelle.
Si le nourrissage est sans commune mesure de ce côté-ci de la manche, vos mangeoires participent peut-être déjà à l’amélioration des populations. Raison de plus pour commencer à installer les planches dans le jardin. En effet BirdLab démarre dans quelques jours. En reportant sur son écran les interactions entre les espèces qui s’y nourrissent, ce jeu accessible sur smartphone est une autre manière de participer au suivi des oiseaux de la mangeoire. Des informations très complémentaire des divers comptages déjà réalisés.
Source : The composition of British bird communities is associated with long-term garden bird feeding