Très actif sur le forum BirdLab où il poste de façon régulière des photos de ses mangeoires, nous avons voulu savoir qui se cachait derrière le profil de Jean-Luc Tovar. Ce jeune retraité a fait de son jardin – de son « pré » comme il l’appelle – un théâtre vert où défilent tout l’hiver quantité de passereaux affamés. C’est de sa fenêtre qu’il profite tous les matins de cette pièce ininterrompue, smartphone en main, l’œil imperturbable. Interrogé par téléphone, il revient sur sa pratique, nous parle de « ses » oiseaux et livre ses inquiétudes. Il avoue avant de raccrocher n’avoir pu détourner le regard de ses mangeoires pendant qu’il répondait aux questions… Rencontre avec un BirdLaber passionné.
Où se situent vos mangeoires ? Décrivez-nous votre terrain de jeu ?
J’ai un petit jardin qui fait une centaine de mètres carré dans un lotissement du centre-ville de Auch, dans le Gers. Je l’appelle mon pré, car j’y applique le laisser-faire. Je ne tonds que deux ou trois fois par an et, à part de la sauge, je ne plante rien. Ce qui ne m’empêche pas de voir de nouvelles plantes apparaître tous les ans. Au milieu du pré pousse un vieux cerisier, planté dans les années 90. Un vrai réservoir à oiseaux ! C’est en général dans cet arbre que je les vois approcher, passant de branche en branche vers les mangeoires. Je peux donc me préparer avant de lancer ma partie. A côté des deux plateaux prévus pour BirdLab, j’ai installé une mangeoire suspendue, et j’ai fixé des têtes de tournesol sur le cerisier. J’offre différentes options. Mais je ne leur sers que du tournesol, surtout parce que j’ai la chance d’avoir un ami agriculteur qui me fournit graines et têtes après chaque moisson. De ma fenêtre, je profite donc d’un cadre parfait pour observer les oiseaux.
A quand remontent vos premières parties de BirdLab ?
J’ai découvert BirdLab l’année de sa sortie après en avoir entendu parler à la radio, il me semble. J’ai téléchargé l’application et cela m’a tout de suite beaucoup plu. Je nourris pourtant les oiseaux depuis très longtemps, depuis les années 90. Je m’amusais au départ à mettre des graines un peu partout pour les voir vivre. Quand BirdLab est arrivé, je me suis dit que j’allais enfin faire profiter de toutes mes observations. Chardonnerets, verdiers, pinsons, tourterelles, pinsons du nord, tarins des aulnes, mésanges charbonnières, bleues et noires de temps en temps : je me suis très vite rendu compte du nombre important d’oiseaux qui profitaient de mon pré. Puis cela m’a permis d’observer, plus attentivement.
A quoi assistez-vous sur vos mangeoires ? Partagez-nous quelques scènes marquantes…
Il y en a beaucoup. La mésange bleue, accrochée au bord de la mangeoire, qui tout à coup, rapidement, prend une graine avant de s’envoler. La charbonnière, très véloce également, mais capable de passer du temps à chercher la bonne graine, celle qu’il lui faut. Et les rixes de chardonnerets ! Parfois ils décollent, font du corps à corps, volent sur deux ou trois mètres de haut avant de redescendre. C’est très impressionnant ! Les verdiers font aussi cela, dans une moindre mesure. Le verdier dominant est plutôt du genre à rester sur la mangeoire, ouvrir un peu le bec puis déplier ses ailes avant d’attaquer. Il y a des maîtres de la mangeoire, les plus costauds, qui font régner l’ordre. Mais uniquement au sein de la même espèce : le verdier chasse le verdier, le chardonneret fait de même avec les autres chardonnerets. Je n’oublie pas le rouge gorge aussi, ce très bel oiseau, que j’observe le matin ou le soir mais pas de façon régulière. Et quand il y a du monde sur les mangeoires, il ne se montre pas.
A part ces comportements caractéristiques, vous arrive-t-il d’assister à des phénomènes inhabituels qui vous ont interrogés ?
Oui par exemple début novembre, juste avant le début de la saison, je vois très peu d’oiseaux. Arrive le jour J. Je dépose les graines sur les mangeoires. Et là ils débarquent tous ! En à peine 30 min ! Sachant que ces oiseaux n’étaient pas là la saison dernière, comment savent-ils que les mangeoires sont pleines ? Y-a-t-il un guetteur ? Et puis les parties sont toutes différentes les unes des autres, et imprévisibles. Les mangeoires sont tellement vivantes. On ne peut pas savoir ce qu’il va se passer avant de jouer. La dernière fois, surprise, un épervier est passé. Il s’est posé dans le jardin, il a attrapé une tourterelle. L’autre fois c’est le chat qui a tout perturbé. Dans ces moment-là je m’amuse à regarder combien de temps les oiseaux mettent à revenir après leur départ. En général, il leur faut une à deux minutes. Pour rendre compte au mieux de cette vie mouvementée du pré, je fais souvent 3 ou 4 parties d’affilée.
Comment se portent vos oiseaux cette année ?
J’avoue que pour la première fois cette saison j’ai ressenti une baisse de la fréquentation générale. L’année dernière j’ai vu le pinson du nord qui vient traditionnellement. Il y a toujours deux ou trois couples qui passent l’hiver chez moi avec ce mâle très repérable. Contrairement au pinson des arbres qui reste le plus souvent au sol, le nordique est un adepte des mangeoires. Cette année, je ne l’ai pas vu. Il est vrai qu’en ce moment je fais le plein de verdiers et de chardonnerets. Mais ils ont mis beaucoup de temps à venir : ils ont débarqué à la mi-décembre ! Des mésanges charbonnières et bleues, je n’en vois pratiquement plus. Bref, je me pose des questions. Je me dis que même dans mon Gers profond il se passe des choses.
Vous faites parties des joueurs réguliers depuis la première année. Qu’est-ce qui vous rend aussi assidu ?
Il y a déjà la simplicité du jeu. Je dirais que le plus dur, c’est d’installer ses mangeoires. Une fois qu’elles sont posées, on se met derrière sa fenêtre et pendant 5 min on est sur une sorte d’îlot. Je suis ailleurs, je ne pense plus à rien d’autre. Et puis observer les oiseaux est addictif. Tous les matins et même en ce moment je guette ce qu'il se passe sur mes mangeoires. C’est plus fort que moi.