Ludovic Crochard est le coordinateur du nouveau programme Sonosylva. Il vient d’intégrer Vigie-Nature…mais cela fait déjà quelques années qu’il est au Cesco.
Peux-tu nous présenter ton poste et tes missions ?
Je suis chargé de projet au Muséum national d’Histoire naturelle et mon poste c’est coordinateur pour le programme Sonosylva. Je suis en relation avec les partenaires, d’ailleurs c'est moi qui les ai recensés : on avait fait un appel auprès des Réserves Naturelle de France, des Parcs Naturels Régionaux et des parcs nationaux, etc. On a eu 150 réponses mais par rapport à notre budget, on ne pouvait pas équiper tout le monde. Il a fallu choisir, j’ai fait une sélection géographique et sur les forêts : on voulait avoir des points bien répartis sur le territoire et de grandes forêts, dans lesquelles tu peux être à au moins 400 mètres de la lisière. C'était les deux gros critères. Il y en avait d’autres (altitude, latitude…) de manière à ce que les sites puissent donner une bonne représentation des forêts sur le territoire métropolitain.
Parmi mes missions, il y a eu la mise en place du site internet, c'est moi qui gère la communication. Et puis la récupération des données aussi : ça consiste à mettre place une plateforme internet sur laquelle les participants vont mettre les données qu’ils récupèrent. Je gère aussi tout ce qui est matériel, par exemple acheter les enregistreurs, les envoyer, et quand il y a un problème avec l’un d’entre eux, le faire rapatrier et puis en envoyer un nouveau. Là il va y avoir une maintenance en fin de première saison, c'est moi qui vais tous les récupérer et les envoyer chez le fournisseur. Voilà un peu de tout ça.
Quel a été ton parcours pour arriver à ce poste ?
J'ai fait une licence de biologie-biochimie à Orléans, je n’étais pas très convaincu… jusqu'à mon premier cours d'écologie avec ma future directrice de thèse. Je me suis donc orienté vers l'écologie et j'ai fait le master Biodiversité, écologie et évolution au Museum national d'Histoire naturelle puis mon stage de Master 2 sur la pollinisation en milieu agricole avec Colin Fontaine et Mathilde Baude, qui sont devenus mes directeurs de thèse. Je travaillais sur le colza cultivé dans la zone atelier Plaine et Val de Sèvres. J’ai continué en thèse et j’ai mis en évidence que les adventices (les plantes non cultivées dans des parcelles) jouent un rôle très important pour qu’il y ait une bonne pollinisation du colza de l'année suivante. Parce qu’elles permettent aux pollinisateurs de trouver des ressources en dehors de la période de floraison du colza et donc de survivre et de se reproduire pour l’année suivante. La deuxième partie de ma thèse portait sur le développement d'un classifieur automatique de sons pour reconnaître les pollinisateurs dans le tournesol essentiellement (voir cet article). J'ai ensuite été recruté par Jérôme Sueur pour Sonosylva, donc je suis un pur produit du CESCO.
Est-ce que faire de la recherche pourrait te manquer ?
Je ne voulais pas forcément continuer à faire de la recherche mais de toute manière je n'ai pas l'impression d'avoir quitté la recherche : Sonosylva est un projet de recherche et j’y contribue. Par exemple, c’est moi qui ai fait l'échantillonnage. J'apporte ma réflexion sur l'évolution du projet et je fais des analyses. Pour le moment nous n’avons pas encore les données donc les analyses portent sur la caractérisation des sites équipés d’enregistreurs. Je vais encadrer un master l'an prochain pour le faire de manière plus poussée car il y a pas mal de paramètres. Déjà il y a la typologie de la forêt, et ça il y en a beaucoup : si l’on s’en tient aux catégories de bases, il y a les forêts de montagne, de plaine et du littoral. Ensuite avec les catégories des cartes forestières de l’IGN : il y avait plus de quinze types de forêts dans la version 1 et actuellement, dans la version 2, on en a une soixantaine. Est-ce que c’est du conifère, du feuillu, du mixte (mélange de conifères et de feuillus), est-ce que c’est une forêt ouverte ou fermée, et après il y a des catégories en fonction des essences qui prédominent. Une fois la typologie de la forêt définie, il y a aussi ce que l’on trouve autour du site, une ville ou autre… dans un des sites, il y a une piste de biathlon. Ensuite il s’agira de caractériser le dérangement humain. On a récupéré les données d’occupation des sols (Corinne land cover et la carte du Centre d'Expertise Scientifique OSO), des données sur l'aviation, on va essayer de récupérer des données sur les randonnées à pied ou en vélo, qui renseigne sur la fréquentation liée à ces activités. On va aussi questionner les partenaires sur les activités dont ils ont connaissance dans leurs sites. Il y a des choses auxquelles on ne pense pas forcément, par exemple, l’un d’entre eux m’a indiqué qu’il y avait eu un passage de 700 brebis hier.
Enfin, nous souhaitons compiler les statuts de protection de chaque site et voir cela sous le prisme de nos données. Une réserve intégrale d'un parc national est peut-être plus protégé qu’un Natura 2000 qui est aussi une ZNieff où tout le monde peut aller mais on pourrait avoir des surprises.
Comment s’est construit ton intérêt pour la biodiversité ?
J'ai toujours aimé ça, mais je crois que ça a commencé avec la pratique du tir à l’arc ! J’ai commencé lorsque j’étais petit. Les cibles pour s’entrainer étaient des effigies d’animaux en mousse et à taille réelle, dans la nature. Donc j’étais dans la nature à me promener toute la journée et de temps en temps je croisais un sanglier, des fois un lion (rire) oui en France, il y a des lions. J'ai toujours aimé aller me balader dans la nature, c’est venu tout seul en fait. Et ce ne sont pas les cours au lycée ou même à la fac qui m’ont laissé penser que je pouvais en faire un métier, en tout cas, on ne se dit pas forcément que c’est possible. C’est bel et bien le cours d'écologie de Mathilde Baude qui m’a ouvert cette possibilité, et heureusement qu'elle était là, parce que sinon, je ne sais pas ce que j'aurais fait.
Maintenant que tu es à Vigie-Nature, quels protocoles as-tu testé ou fais-tu ?
Il y a tellement des protocoles ! j’ai fait du Birdlab quand je faisais de la diffusion auprès des scolaires pendant ma thèse. Cela permettait de les faire travailler sur les interactions entre différentes espèces. J’ai essayé de faire le Spipoll mais c’est un peu trop long pour moi. Sinon, j’aimerai bien faire Vigie-chiro et pourquoi Lichens Go.
Un mot pour la fin ?
Je voudrais remercier les gestionnaires qui participent à Sonosylva parce que mine de rien, ça leur prend un peu de temps quand même ! Et puis je dis à bientôt pour la version tout public de Sonosylva aux autres lectrices et lecteurs.