Novembre, la bonne époque pour faire le point sur la saison des papillons des jardins qui s'achève. J'ai une bonne nouvelle pour les participants à l'Opération Papillons : un nouvel article scientifique vient de paraître grâce à leurs observations !
Merci pour ces chiffres inestimables
20 640 en tout ! 20 640 observations réparties dans 920 jardins avec 220 133 papillons comptabilisés depuis 2006 ! Ce bel échantillon, qui ne représente qu'une partie de l'ensemble des données envoyées par les participants, a permis à Théophile Olivier, assistant chercheur dans notre laboratoire CESCO, d'étudier le rôle de la composition du paysage qui entoure les jardins sur la richesse et l’abondance des communautés de papillons.
Le « classement » des espèces de papillons
Théo a d'abord classé les papillons selon leur préférence d'habitat : prairies, bordures de champs cultivés et lisières forestières. En parallèle, il a aussi créé trois groupes d'espèces selon leurs capacités de dispersion. Ces distances sont celles que les papillons sont capables d'effectuer pour se reproduire après leur émergence au stade adulte. Les espèces dites « peu mobiles » se dispersent dans un rayon de 200 mètres, les espèces « moyennement mobiles » se dispersent entre 200 et 500 mètres, tandis que les espèces « très mobiles » peuvent aller au-delà d'un demi kilomètre.
Comment agissent les villes sur les papillons
Le résultat clé de Théo, qu'il partage avec nos deux spécialistes du laboratoire, Benoît Fontaine et Reto Schmucki (lire aussi Que se passe-t-il dans le monde autour des papillons ? Retour sur le « salon » international des lépidoptéristes), est que les papillons qui pâtissent le plus de l'urbanisation sont les papillons des prairies, les moins aptes à se déplacer du fait de leurs petites tailles. Suivent ensuite les papillons des lisières de forêts, puis ceux des bords des champs.
Il faut des jardins « connectés »
« Les préférences d’habitat et les capacités de dispersion des papillons sont intimement liées » m'a dit Benoît. Quant à Reto, il a bien insisté sur le fait que « l’urbanisation affecte la qualité et la distribution des habitats potentiels dans le paysage. Par conséquent, elle a un effet plus important pour les espèces qui se déplacent sur de courtes distances. Un jardin génial mais isolé reste un potentiel inexploité pour ces espèces. A moins, qu'il ne soit relié à d'autres jardins grâce à des corridors de dispersion. »
Pantouflard ou voyageur ?
La mobilité des papillons est donc fortement liée à leurs préférences d'habitats. Ainsi, les espèces des prairies sont-elles plutôt casanières et les espèces des bords de champs, des aventurières, capables de parcourir plusieurs kilomètres pour découvrir un nouvel habitat propice pour se reproduire et pondre. Quant aux papillons des lisières, et bien ce sont des « entre-deux », des spécialistes du demi-fond.
Pour les intéressés, voici ce que cela donne.
Les papillons des prairies du genre casaniers :
les Hespéridés , le Souci (Colias croceus), le Cuivré (Lycaena phlaeas), la Mégère (Lasiommata megera) et l'Ariane (L. maera), le Procris (Coenonympha pamphilus), le Myrtil (Maniola jurtina), le Demi-deuil (Melanargia galathea), certains Lycènes bleus (Lycaenidae).
Les papillons de bordures des champs, grands voyageurs :
les Piérides (Pieris sp., Euchloe sp.), la Petite Tortue (Aglais urticae), le Paon du jour (Inachis io), le Vulcain (Vanessa atalanta), la Belle-Dame (Vanessa cardui).
Les papillons des lisières forestières, les « ni trop loin, ni trop près » :
le Flambé (Iphiclides podalirius), le Machaon (Papilio machaon), l'Aurore (Anthocharis cardamines), le Citron (Gonepteryx rhamni), le Tircis (Pararge aegeria), l'Amaryllis (Pyronia tithonus), le Tabac d'Espagne (Argynnis paphia), le Petit Sylvain (Limenitis camilla), le Sylvain azuré (L. reducta), beaucoup de Lycènes bleus (Lycaenidae).
En ville, c'est la jungle aventurière
En ville, ce sont donc les papillons aventuriers faits pour le voyage qui s'en tirent le mieux. Pour les maintenir, je vous conseille de planter un pied d'ortie ! Puisque Petite tortue, Paon du jour et Vulcain viennent y pondre.
Pour les papillons de prairies, laissez pousser les herbes folles et tondez une fois par an, plutôt en fin de saison. Tous les participants à l’Opération Papillons vous diront : Merci !
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Lisa Garnier, le lundi 09 novembre 2015