Au cours du mois de mars, les rencontres nationales chauves-souris de la SFEPM ont rassemblées les passionné.es de chauves-souris. Les évolutions de Vigie-chiro et les tendances des populations de chauves-souris estimées grâce à ce programme y ont été présentées. En voici un résumé.
Au cours du mois de mars, les rencontres nationales chauves-souris de la SFEPM ont rassemblées les passionnés de chauves-souris du territoire français et des pays amis. Ces rencontres annuelles sont préparées sous l’égide de la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM) par le muséum d’histoire naturelle de Bourges. Durant ces rencontres, les tendances des populations sur les 18 années écoulées depuis le lancement de Vigie-chiro ont été présentées par Yves Bas, responsable de Vigie-chiro, et son bras droit, Tiphaine Devaux.
Depuis 2006, Vigie-chiro réalise le suivi des chauves-souris et ne cesse d’évoluer. Le développement des méthodes acoustiques et de l’intelligence artificielle ont permis de mettre au point et d’affiner les outils pour identifier les espèces par leurs cris. Ainsi, le protocole point fixe qui permet d’utiliser un enregistreur autonome s’est ajouté aux protocoles pédestre et routier. Plus simple et permettant d’enregistrer les sons de la nuit en continu, le nombre de données récoltées pour le suivi est en augmentation depuis le lancement de ce protocole en 2014, et qui cumule aujourd'hui 115 375 nuits au total.
Couverture du territoire et nécessité de réitérer les enregistrements
Tous protocoles confondus, les 961 participant.es ont transmis des données concernant 26 000 sites, et le volume des données atteint les 750 tera octets ! La couverture du territoire est bonne…lorsque l’on considère l’ensemble des sites « écoutés » depuis 2006. Cependant, elle est moins importante si l’on considère les sites réellement suivis au cours du temps (écoutes répétées annuellement). Pourtant ce sont ces répétitions, les suivis, qui permettent d’estimer au mieux les tendances de populations. Savoir quelles espèces sont présentes à un endroit et un moment donné est intéressant, mais connaître l’évolution de leurs populations est précieux pour les préserver. Savoir lesquelles sont en déclin et où permet d'orienter les actions de conservation. Avis aux amoureux.ses et sympathisant.es des chiroptères : vous vous trouvez dans une zone bleue-claire sur la carte ? n’hésitez pas à vous inscrire ou réitérer les enregistrements sur vos sites !
Avec le protocole point-fixe, de nombreuses espèces peuvent maintenant être suivies.
Grâce aux 961 participant.es et à Yves Bas, Tiphaine Devaux, Charlotte Roemer, Lise Bartholus, Mathilde Vimont, Jean-François Julien et Christian Kerbiriou de l’équipe Vigie-chiro, des tendances ont pu être calculées avec une assez bonne précision pour 17 espèces sur les 35 présentes en France.
Les tendances ont été calculées à long terme, sur la période 2006-2023, et à court terme, entre 2014 et 2023, et pour différents types d’habitat : milieu bâti, milieu agricole, milieu forestier et milieu comportant des plans ou cours d’eau. Pour certaines espèces, seules les tendances à court terme ont pu être calculées : c’est grâce au protocole point fixe que leur présence est détectable et leur abondance peut être estimée. Les enregistrements des nuits sont sondés par un algorithme entrainé à identifier les différentes espèces par les motifs et fréquences de leurs cris. Des participants et des membres de l’équipe Vigie-chiro valident en plusieurs étapes les identifications, rectifiant des erreurs d’identification et contribuant à peaufiner l’apprentissage de l’algorithme. Ce système permet de suivre de plus en plus d’espèces.
Quelques précautions avant de vous présenter les principales tendances et estimations : si les tendances significatives sont fiables, attestées par les analyses statistiques, les chiffres des estimations peuvent comporter une forte incertitude. Plus les sites sont régulièrement suivis et couvrent bien le territoire, plus les incertitudes pourront être réduites.
Des déclins qui s’affirment
Les tendances à court terme pour la Pipistrelle de Nathusius, le Murin de Daubenton et le Minioptère vont dans le même sens que celles à long terme qui montrent un déclin de 30% (respectivement -29,9%, 29,2% et -32,9%).
Des déclins qui s’atténuent
Les pipistrelles communes et noctules communes sont de moins en moins communes. Depuis 2006, le déclin est de 23,6 % pour la première et de 52,5% pour la seconde. Il est plus affirmé dans les milieux bâtis. La bonne nouvelle est que les tendances à court terme semblent indiquer une stabilisation !
Le doute persiste
Certaines tendances ne sont pas significatives, on ne peut donc rien conclure. C’est le cas pour la Pipistrelle de Khul (-7,7% à long terme et +0,1 à court terme) et la Pipistrelle pygmée (-2,4% à court terme). Les moyennes sur la période restent proche de 1 (respectivement 0,995 et 0,997) indiquant une stabilité relative.
Les tendances calculées à court terme pour le Vespère de Savi, l’Oreillard roux et le Murin à moustache ne sont également pas significatives. Toutefois les moyennes sur la période et leur allure laisse penser que ces espèces sont en déclin.
Des rebondissements
Alors que les estimations annuelles montraient un déclin jusque dans la décennie de 2010, les tendances à court terme montrent une hausse importante pour la Sérotine commune et la Noctule de Leisler, de 39,1% et de 76,3%. Ainsi, les moyennes des tendances à long terme sont maintenant positives, atteignant respectivement 13,7% et 21,3%. Cependant, si ce résultat est significatif pour la Noctule de Leisler, il ne l’est pas pour la Sérotine commune. Malgré cette hausse, il n’est pas encore sûr que les populations de Sérotine commune se portent mieux.
Et même des augmentations !
Pour la Barbastelle, l’augmentation est franche, se confirmant sur le long terme avec une augmentation de 41%. Des augmentations significatives ont également été trouvées pour le Murin à oreilles échancrées (+29%), le Murin de Natterer (+79,9%), l’Oreillard gris (+86,8%), le Molosse de Cestoni (+160%).
Pour conclure
Les causes de déclin des chauves-souris sont multiples : disparition des habitats, collision routière ou avec les pâles d’éoliennes, pollution lumineuse, l’usage d’insecticides, le dérèglement climatique… Les tendances sont globalement au déclin, mais l’on voit que certaines se stabilisent, et certaines augmentent. Pour mieux comprendre ces tendances, expliquer ce que l’on observe, une nouvelle thèse commence.
HD.
crédit photo vignette de présentation (Grand murin) : M. Evanno