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« J’ai échantillonné sept carrés, plongés dans un silence exceptionnel »

Sciences participatives

 

Julien Sudraud fait partie des nombreux coordinateurs locaux du STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs). Sa mission : animer l’observatoire en Vendée et faire le lien entre les participants et la coordination nationale (Vigie-Nature et LPO). Alors que, confinés, les bénévoles ne pouvaient pas procéder au premier passage du mois d’avril, le salarié de la LPO a pu assurer et apprécier les comptages dans des conditions exceptionnelles. Et une fois chez lui à Champagné-les-marais, au cœur du Marais poitevin, il poursuivait ses observations dans un paradis ornithologique.  

 

STOC © Hugo_Struna

Julien Sudraud, chez lui, à Champagné-les-Marais (85)

 

Quelques carrés STOC ont été effectués pendant le confinement. Vous étiez vous-même un des rares à pouvoir vous rendre sur le terrain...

Comme quasiment tout le monde, les bénévoles étaient bloqués chez eux lors du premier passage. Seuls les professionnels d’associations comme la nôtre ou les gestionnaires d’espaces protégés ont pu sortir sur le terrain pour assurer les suivis. J’ai moi-même pu faire mes points STOC comme prévu avec une collègue de la LPO. J’ai échantillonné en tout sept carrés, certains en plaine, d’autres dans le Marais poitevin, le tout dans un silence exceptionnel. Cette baisse des activités humaines rendait les conditions idéales pour compter. Parmi mes plus belles rencontres, faites principalement dans le marais, je me souviens des Barges à queue noire, des vanneaux et de tout le cortège d’oiseaux prairiaux comme les Bergeronnettes printanières, les Bruants proyers ou les Gorgebleues à miroir. Je suis conscient du privilège que j’avais par rapport aux autres participants qui ont dû faire preuve de patience. A présent déconfinés, les 10-15 bénévoles de Vendée peuvent se rattraper en procédant au second passage jusqu’au 15 juin. Cette série est importante car même sans les données du premier comptage elle permettra d’assurer la continuité des tendances temporelles. C’est en tout cas ce que l’on espère.

Le Marais poitevin échantillonne entre 20 et 30 carrés chaque année. Les comptages sont effectués par les associations locales dans le cadre de l’Observatoire du patrimoine naturel du Marais poitevin, piloté par le Parc naturel régional du Marais Poitevin. Plusieurs bénévoles assurent de leur côté quelques carrés en plaine et dans le marais hors réserve.

Vous avez aussi passé beaucoup de temps dans votre jardin ces dernières semaines. Vous ressortez même du confinement avec un record : 88 espèces observées !

Il faut dire que j’ai la chance de vivre dans le marais, un milieu très fréquenté par de nombreuses espèces. Et comme beaucoup de monde, je travaillais de chez moi la plupart du temps. Je me suis donc amusé à compter quotidiennement les espèces que j’observais depuis mon jardin. J’identifiais à l’œil et à l’oreille. Ma « confi-liste » contenait à la fin du confinement 88 espèces, parmi lesquelles un couple de Hiboux des marais, des Guifettes noires, des hérons, et un Balbuzard pêcheur en migration. Mais il y a bien meilleurs que moi en France : ceux qui se trouvaient sur la côte, notamment en Camargue, ont pu dépasser les 130 espèces ! J’imagine que certains y passaient leur journée… L’exercice m’a en tout cas beaucoup amusé. Comme j’avais un peu de temps, j’ai aussi apporté mon concours au comptage des oiseaux du jardin exclusivement, avec la mission « confiné mais aux aguets » de la LPO et du Muséum. Mais également à l’EPOC, une mission similaire qui exigeait des observations non répétitives de 5 minutes. Résultat, je n’ai jamais passé autant de temps à observer ! Cela ne m’arrive jamais d’être à ce point attentif à ce qu’il se passe chez moi pendant deux mois continuellement. Sans le confinement, j’aurais probablement raté le balbuzard en migration…

Très peu ont pu, comme vous, accéder au terrain pendant le confinement. Avez-vous perçu des effets sur les communautés ?

L’effet le plus flagrant lors du confinement était le silence dû à l’absence de circulation automobile, bien que nous soyons dans des zones peu urbanisées. Un autre effet du confinement que nous devons en ce moment gérer est celui lié aux fait que certaines espèces ont profité de notre absence pour s’installer dans des lieux habituellement très fréquentés. Le Gravelot à collier interrompu par exemple a profité de notre désertion des plages pour déposer ses œufs un peu partout sur les hauts de plages. Des œufs de toute petite taille, difficilement perceptibles, qui se confondent avec la laisse de mer … Pour éviter les piétinements malheureux lors de la réouverture des plages, nous avons dû travailler en amont avec la DREAL et les Communautés de communes pour mettre en place des systèmes de protection. Nous avons ainsi disposé le long des plages vendéennes des piquets protégeant les sites de ponte. Heureusement, de nombreux œufs ont été pondus et ont éclos juste avant le déconfinement, raison pour laquelle nous pensons que l’espèce sortira renforcée de cette période de calme exceptionnelle. Nous attendons avec impatience les résultats de nos suivis pour pouvoir le confirmer. Quant à nos campagnes de prévention, elles auront au moins mis en lumière ce petit oiseau peu connu du grand public.

D’autres espèces vendéennes pourraient-elles sortir renforcées du confinement ?

Si le gravelot et quelques autres espèces s’en tirent plutôt bien, comme les goélands qu’on a vu investir de nouveaux espaces à l’Ile d’Yeu, en revanche le sort des oiseaux communs ne devrait pas connaître d’embellie. Ici le cortège d’oiseaux agricoles diminue sans cesse depuis plusieurs années. J’ai des points d’écoute en plaine où je n’entends plus une seule alouette ! Alors qu’il y a 10 ans je ne faisais pas un point sans alouette… La Vendée est d’autant plus touchée qu’elle reste un département très agricole avec une irrigation qui homogénéise les habitats et agrandit les parcelles. Au détriment des oiseaux nicheurs. On a modifié le territoire et on en paye maintenant les conséquences. C’est un peu comme le Covid-19, autre facture, à plus grande échelle, de nos déséquilibres.

 

Participez au STOC jusqu'au 15 juin 2020

 

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