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Les mille et une abeilles : Diversité et modes de vie

Sciences participatives

Quand on pense aux pollinisateurs, l’abeille est reine… Mais l’abeille domestique n’est qu’une espèce parmi près de 1000 espèces d’abeilles présentes en France. Lise Ropars fraichement arrivée comme Maitre de Conférences au MNHN nous présente un petit panorama. Suivez le guide !

Le 1er mars était la journée mondiale de la vie sauvage. Sur le site des Nations Unies, on peut lire que « La Journée mondiale de la vie sauvage est l’occasion de célébrer les nombreuses formes, aussi belles que variées, de la faune et de la flore sauvages et de faire prendre conscience de la multitude d’avantages que sa conservation procure aux populations ». L’importance des pollinisateurs pour la vie humaine n’est plus à prouver mais on oublie bien souvent leur diversité : il y aurait près de 300 000 espèces d’insectes de l’ordre des Diptères, des Hyménoptères, des Lépidoptères et des Coléoptères qui pollinisent. Et pour les Hyménoptères, si l’abeille domestique Apis mellifera est au cœur des préoccupations, elle n’est qu’une espèce parmi toutes les autres abeilles, les sauvages : environ 970 espèces en France, plus de 2000 en Europe, et quelques 120 000 décrites sur la planète. Au niveau de l’Europe, on manque de données pour établir le statut de conservation de nombreuses espèces (56,7%). Pour celles dont on dispose de données, 9,2% des espèces d’abeilles et 25,8% des espèces de bourdons sont menacées. Une liste rouge est en cours d’élaboration par l’UICN et le MNHN pour déterminer leur statut de conservation à l’échelle de la France.
 
Lise Ropars est Maitre de Conférence au MNHN depuis cette année. Formée initialement à la botanique, elle s’est par la suite tout naturellement intéressée aux visiteurs des plantes. Devenue spécialiste des abeilles, ses recherches portent sur la compétition entre les abeilles domestiques et les abeilles sauvages, et plus largement sur tout ce qui est lié au statut de conservation des abeilles sauvages. Durant une paire d'heures, une partie de l'équipe Vigie-Nature s'est réunie pour l'entendre parler de son sujet de prédilection. En voici quelques éléments que l'on peut pas ignorer lorsque l'on s'intéresse aux abeilles.

Mais avant tout, saurez-vous reconnaître les abeilles des autres hyménoptères en photo ci-dessous ?

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Identifications des insectes et crédits photo en fin d'article

De l’importance du poil pour la vie
La durée de vie des abeilles est de quatre à cinq mois pour les femelles d’un mois pour les mâles. La visite des fleurs, sous des allures poétiques du point de vue humain, est vitale pour les abeilles : elles y trouvent le nectar qui, en tant que sucre rapide, est leur source d’énergie, et elles y récoltent le pollen, pour la protéine, qui est principalement utilisé comme source de nourriture pour les larves. Les abeilles peuvent parcourir une centaine de mètres jusqu’à un kilomètre pour se nourrir. En général, quinze à vingt fleurs leur sont nécessaires pour fabriquer un pain de pollen, c’est à dire un mélange de pollen, de miel et de ferments lactiques, qui sert de nourriture à leurs larves. Mais comment sont elles devenues des spécialistes de la récolte de pollen ? Les abeilles se distinguent d'autres pollinisateurs par une caractéristique tout à fait originale : contrairement à ceux qui ont des poils simples, les abeilles ont le poil branchu ! Différents styles existent, en épis, en brosse, en balai…  Tout autant de type de velcro pour mieux accrocher le pollen. On parle « d’appareil à pollen », qui diffère selon les espèces puisque la toison de velcro peut-être située sous les pattes, ou sous l’abdomen ou même dessus. Dans ce dernier cas, on peut imaginer la gymnastique que doit entreprendre l’abeille pour faire sa récolte !
 
Entre la fleur et l’abeille, une histoire de langue
Les abeilles ne butinent pas n’importe quelle fleur rencontrée sur leur chemin. Les six familles d’abeilles peuvent être classée en deux groupes… selon la taille de leur langue ! Si toutes les abeilles ont une langue développée et pointue, certaines familles l’ont courte et d’autres l’ont longue. Ainsi, elles ne visitent pas les mêmes fleurs : Tandis que les abeilles à langues longues vont pouvoir aller chercher du nectar dans les fleurs à corolle profonde, les abeilles à langue courtes se restaurent sur des fleurs à corolle ouverte. Excepté pour les abeilles de très petite taille qui peuvent se faufiler dans les tubes des fleurs à corolle profonde !
Et lorsque l’on examine de plus près les fréquentations florales des espèces d’abeilles, on peut observer que si les espèces dites « généralistes » butinent sur un grand nombre d'espèces de plantes, d’autres sont « spécialistes » et ne réservent leurs visites qu’à une famille de plante… ou même à une seule espèce de plante. La spécialisation est le fruit de l’évolution et la survie de ces espèces d’abeilles ne tient donc qu'à la présence et de la floraison de leur plante hôte. Le nom de la plante est alors souvent associé au nom de l’abeille, par exemple, le chélostome des renoncules, l'hylée de l'ail, la mélitte de l'euphraise, la mélitte de la salicaire, la mélitte de la lysimaque, l’andrène de la bryone, la collète du lierre, l’andrène de la myrtille, l’andrène de la scabieuse… Si vous avez un jardin, n’hésitez donc pas à favoriser ces plantes pour soutenir les abeilles sauvages ! Vous pouvez également consulter une liste des plantes attractives pour les abeilles.

Mille et un nids
Seule l’abeille domestique vit en colonie et crée des ruches pouvant accueillir jusqu’à 50 000 individus. Toutes les autres, les sauvages, sont plutôt solitaires et nichent dans divers substrats. Elles sont majoritairement « terricoles », c’est-à-dire qu’elles creusent leurs galeries directement dans la terre. Certaines ont néanmoins un comportement grégaire : leurs nids bien que propre à chacune se trouvent alors proches les uns des autres. Dans les nids, la galerie principale mène à des cellules en forme d’alvéole, là où se développent les larves. Ici encore, toutes les galeries ne se ressemblent pas, une culture architecturale qui n’est pas la même pour toutes les espèces semble s’être établie. Certaines utilisent des matières végétales ou minérales pour tapisser les cellules. Pourquoi ? On soupçonne qu'elles profitent de leurs propriétés structurales mais aussi antifongiques et antibactériennes. Par exemple Megachile centuncularis découpe les feuilles de rosier qu’elle emporte sous la terre. Certaines tapissent avec de l’argile, tandis que d’autres utilisent des pétales, ou des soies de plantes velues. Il y en a qui construisent leur nid avec tout un tas de petits gravillons (mesurons l’effort que c’est de ramener chaque gravillon entre ses petites pattes pour faire un nid !). D’autres, comme Osmia niveata utilisent des cavités dans le bois– certaines sont capable de les creuser si le bois est assez malléable. Enfin, des originales, comme Osmia bicolor, trouve logement tout simplement dans des coquilles vides d’escargot , qu’elle recouvre de brindilles. Si l’on veut prêter attention aux abeilles sauvages, il faut donc aiguiser son regard, elles sont discrètes et leurs nids sont bien cachés.
Les hôtels à insectes, qui présentent bien des qualités, n’aident pas les abeilles sauvages : ils favorisent certaines espèces d’insectes qui sont des prédateurs ou des ecto-parasites pour les abeilles, comme les chrysides, et ils concentrent des pathogènes. Mieux vaut laisser du sol nu dans un coin de jardin, avec un peu d’argile, et surtout augmenter les ressources florales avec des espèces locales, à fleurs simples.

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Notes récapitulatives illustrant le propos de manière non exhaustive
tirées d'ouvrages scientifiques

 

HD.

Photos d'hyménoptères :
en haut à gauche : Bembix oculata
Par Alvesgaspar — Photographie personnelle, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4549237
en haut au centre : Chrysotoxum cautum
Par James Lindsey at Ecology of Commanster, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1967705
en haut à droite : Osmia bicolor (abeille)
Par František ŠARŽÍK — https://www.biolib.cz/en/image/id170358/, CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=18284366
en bas à gauche : Eupeodes corollae
Par Alvesgaspar — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3441363
en bas au centre : Megachile centuncularis (abeille)
Par James Lindsey at Ecology of Commanster, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7207345
en bas à droite : Polistes gallicus
own photography by user Vincentz CC BY-SA 2.5,

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