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Motivés, motivés ! Les motivations des participants à la loupe

Sciences participatives

 

Une étude d'ampleur a sondé les motivations des compteurs d'oiseaux bénévoles. Et surtout leur dynamique, pour le moins surprenantes.

 

Pourquoi nous impliquons-nous dans les sciences participatives ? Sortir dans son jardin compter les papillons tous les ans, décrire sur son téléphone l’activité de ses mangeoires - en hiver ! - exige sinon de la passion du moins une bonne dose de motivation. Une enquête auprès des participants de Vigie-Nature menée en 2015 (1) nous éclaire sur la question. D’après les résultats, aider à la préservation de la biodiversité serait le principal moteur, suivi de près par l’envie de pratiquer une activité de plein air, en apprendre plus sur la biodiversité et contribuer à un programme scientifique. Dans une très moindre mesure, les volontaires invoquent la relaxation, le caractère familial des activités.

Une problématique encore peu abordée mais pas moins fondamentale vient de faire l’objet d’une récente publication dans la revue Biological conservation : comment évoluent ces motivations à mesure que l’on s’investit dans un programme ? Le maintien d’un vieux briscard du SPIPOLL dans la communauté des Spipolliens n’a peut-être plus grand-chose à voir, en effet, avec les raisons de son enrôlement initial dix ans plus tôt…

Justement, de vieux briscards des sciences participatives, le Christmas Bird Count (CBC) en regorge. Ce comptage annuel des oiseaux rassemble depuis plus d’un siècle près de 50 000 personnes par an, à Noël, dans toute l’Amérique du Nord. L’équipe du Dr. Lincoln Larson de la faculté de Caroline du Nord (Etats-Unis) s'est penchée sur les raisons profondes de leur engagement. 

Christmas_Bird_Count © USFWS Mountain-Prairie (Flickr)

Environ 3 000 birds counters de l’année 2015-2016 ont fait part de leur motivations

 

Au nom de la conservation

Environ 3 000 birds counters de l’année 2015-2016 et de tous niveaux (12% des participants totaux) ont répondu à un questionnaire interrogeant les raisons de leur adhésion au programme. En ressort des motivations diverses, classées selon les catégories suivantes : « Contribution à la science et à la conservation » (40%), « interactions sociales » (25,7%), « observation des oiseaux » (14,3%), « loisirs et découvertes de plein air » (9,9 %) pour les principales.

Les grandes catégories sont celles que nous retrouvions peu ou prou dans notre étude de 2015. Notons tout de même la très forte mobilisation autour des enjeux de conservation, qui rassemblent près de la moitié des participants. Mais là n’est pas le plus surprenant. « Le fait que les thèmes liés à la science et à la conservation dominent les motivations initiales du CBC, un programme écologique axé sur la conservation n'est pas surprenant, reconnaissent les auteurs. Mais nous ne nous attendions pas à ce que ces mêmes motivations augmenteraient avec la participation au projet. » De fait, 55 % des interrogés expérimentés agissent au nom de la science et de la conservation, contre 40 % parmi les débutants. Hormis la dimension traditionnelle de l’évènement, également très mobilisatrice chez les anciens, toutes les autres motivations diminuent avec le temps.

Ces résultats contreviennent à une idée parfois admise selon laquelle les participants ont besoin, pour se maintenir dans la durée, de trouver de nouvelles sources de motivation que les sociologues qualifient d’« extrinsèques ». L’exemple le plus courant étant les relations sociales créés au sein d’un groupe. Si la conservation anime à ce point les bénévoles du Christmas Bird Count, ce n'est pas sans lien avec sa solide crédibilité scientifique acquise de longue date. Durant plus d’un siècle un nombre incommensurable de données se sont accumulées, accompagnant parfois des projets de conservation. Les organisateurs capitalisent donc aujourd’hui sur tous ces apports individuels pour recruter et fidéliser, avec une communication bien rodée : « Chaque heure que chaque personne passe sur le terrain pour le Christmas Bird Count contribuera à quelque chose de significatif pour la conservation des oiseaux » peut-on lire sur leur site internet.

Le participant peut être séduit dès le début par cet engagement au service de la conservation, pour d’autres une prise de conscience s’installera petit à petit, jusqu’ à recentrer les objectifs de départ. Apprendre à identifier des espèces d'oiseaux, s'interroger face à des observations diverses, peut stimuler dans un premier temps, moins avec de l'expérience. En revanche se sentir utile à la science – la métaphore de la « petite pierre à l’édifice » - reste un puissant moteur. L’expérience de terrain fait le reste : « Si des observateurs constatent des changements autour de chez eux au fil du temps, leur volonté de conserver ces habitats pourrait augmenter » notent les chercheurs.

Christmas_Bird_Count

La conservation comme source de motivation augmente avec la participation

 

Répondre aux attentes, la clé de l’implication

A travers cette analyse, les scientifiques appellent les porteurs de projet à mieux prendre en considération les motivations initiales et continues des participants. L’objectif étant de pouvoir répondre aux attentes des participants lorsqu’ils viennent frapper à la porte de nos programmes. Or, satisfaire ces attentes garantit un engagement dans la durée. Le succès du Christmas Bird Count repose justement, en grande partie, sur les efforts de valorisation de ses citoyens scientifiques et de leur contribution à tous les niveaux de participation.

Selon une étude de 2016 sur les participants au SPIPOLL, l’assiduité de nombreux spipolliens reposait également sur la capacité à satisfaire leurs motivations initiales (entomologie, protection des pollinisateurs etc.). La chercheuse Mathilde Delaunay explique que les plus expérimentés avaient même découvert de nouvelles sources de motivation inattendues, comme le plaisir de prendre des photos avec des proches jusqu’à l’acquisition de compétences applicables dans la vie professionnelle. Raison de plus d’étudier les motivations dans toute leur dynamique.

Comme le suggère l’autre grand résultat du questionnaire de l’étude américaine, les motivations initiales permettent de se faire une idée du degré d’implication futur. Les participants mus dès le départ par « la conservation » ou par les « relations personnelles » annoncent également être attirés par des rôles de leadership dans le Christmas Bird Count (responsable d'un groupe de participants par exemple). A l’inverse, l’attraction du « loisir en plein air » ou de la « découverte » n’était pas associé à un quelconque désir de responsabilité.

« Ces connaissances révéleront non seulement de nouvelles façons d'autonomiser les bénévoles actuels, mais aussi des stratégies pour recruter et retenir des populations plus diversifiées, et informer les participants des résultats de leur travail » concluent les scientifiques. Car il ne s’agit pas de sonder les reins et les cœurs pour le plaisir d’en apprendre plus sur « Homo participus », mais d’aider les participants à trouver dans nos programmes ce qu’ils recherchent. La motivation étant la clé d’une implication solide et durable.

 

 

Voir la publication : The diverse motivations of citizen scientists: Does conservation emphasis grow as volunteer participation progresses?

 

 

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