Certains milieux semblent épargnés par l’effondrement généralisé. Les signaux passent du rouge écarlate… au vert. Un phénomène encourageant révélé grâce aux participants au STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs).
Nous nous étions habitués à des courbes désespérément décroissantes. L’année dernière nous annoncions en France la baisse d’un tiers des oiseaux communs en milieux agricoles. Si les résultats sont moins spectaculaires dans les autres milieux, ils suivent plus ou moins la même tendance régressive. Même constat en Europe et outre-Atlantique, où un nouveau déclin des espèces communes vient d’être mis en évidence, -30% en trente ans. Un effondrement généralisé.
« Effet réserve »
Pourtant dans cet océan de pessimisme, une étude dévoile de nouvelles tendances réconfortantes. Parmi les participants STOC, qui sortent compter les oiseaux deux fois par ans dans des zones attribuées aléatoirement, certains se trouvent parachutés aux cœurs de milieux particuliers : les réserves naturelles. Ainsi depuis 2001, 94 réserves métropolitaines (sur 342) font l’objet de suivis.
Un tel jeu de données méritait analyse, un travail que les Réserve naturelles de France et le Muséum ont confié à Adrien Gellé étudiant en écologie pour son stage de master. Sa problématique de départ ? Comment évoluent les populations dans les réserves par rapport à l’extérieur. Une étude comparative donc, avec d’un côté les observations menées sur l’ensemble du territoire (750 carrés), et de l’autre celles effectuées dans les espaces protégées (97 carrés).
Les résultats se dévoilent en traçant les courbes. Un effet réserve certes attendu mais spectaculaire apparaît : sur les 56 espèces communes présentant des tendances statistiquement fiables en réserve naturelle, on constate que les tendances y sont bien meilleures qu’ailleurs en France. « Alors que les populations d’oiseaux communs ont baissé en moyenne de 6,6% sur le territoire métropolitain entre 2004 et 2018, elles augmentent sur la même période de 12,5% dans les Réserves naturelles » précise Adrien.
Le boom des oiseaux forestiers
En zoomant sur les différentes espèces, on s’aperçoit que toutes n’en tirent pas le même bénéfice. Les réserves profitent surtout aux espèces forestières – qui dépendent de ce milieu pour les sites de nidifications et les ressources alimentaires. Elles voient leur population doubler (+48%) en 15 ans alors qu’elles diminuent de 1,2% dans le reste du pays. Parmi les bénéficiaires, le pic noir, dont les effectifs, qui stagnent au niveau national, triplent en réserve.
D’une manière générale, toutes les espèces voient leur situation s’améliorer peu ou prou. Alors que les espèces agricoles s’effondrent littéralement dans nos campagnes (-32%), elles ne diminuent « que » de 5,7% dans les réserves. Du côté des généralistes, on passe de -5,3 à +10% et de -20,3 à -9,7 pour les spécialistes des milieux bâtis.
1% du territoire
Si les aires protégées étaient initialement destinées à la protection d’espèces rares et menacées, le travail d’Adrien prouve qu’elles peuvent être bénéfiques à la faune commune. Aux oiseaux, mais aussi aux papillons communs tel que l’atteste un autre de nos observatoires, le STERF. Sur la période de référence 2005-2014, les lépidoptères y ont augmenté de 18% alors qu’ils déclinaient de 11% en France.
Comment expliquer l’effet réserve ? La qualité des milieux : les zones humides, forêts, prairies assurent ressources alimentaires, zones de nidification, le tout soumis à une plus faible pression anthropique. Les plans de gestion des réserves naturelles sont particulièrement exigeants, raison pour laquelle on parle de « protection forte », comme c’est le cas notamment dans les parcs nationaux et régionaux.
Les réserves naturelles – régionales, nationales et Corses – montrent aujourd'hui leur efficacité, mais ne représentent pour l’instant qu’1% du territoire français, et 0,35% du territoire métropolitain. Selon l’ONB, on atteint 1,37% en y ajoutant les autres aires protégées (parc nationaux, régionaux, réserves biologiques etc.) Pour rappel, notre pays s’est donné pour objectif de placer au moins 2 % de son territoire terrestre métropolitain sous protection forte d’ici à 2020.
Ces chiffres encourageants prouvent en tout cas que la pente infernale du déclin n’est pas inéluctable : une bonne gestion des milieux naturels protège bel et bien la biodiversité.
Participez au STOC !