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L'OAB dans l’enseignement agricole : « Les élèves deviennent acteurs de leurs apprentissages »

Sciences participatives

 

 

Le 6 février dernier, nous avons organisé les 3èmes rencontres nationales des sites de démonstration de l’Observatoire Agricole de la Biodiversité (OAB). Chambres d’agricultures, instituts techniques et surtout des établissements agricoles ont fait le déplacement depuis les quatre coins de la France. Car les sciences participatives deviennent un support pédagogique de choix dans l’enseignement, s’intégrant dans des filières aussi diverses que l’aménagement, la gestion d’espaces naturels, et bien-sûr l’agriculture. Cette journée « riche en échanges » fut l’occasion de s’entretenir avec Marine Gérardin sur cet engouement, elle qui a rejoint Vigie-Nature pour développer les sciences participatives dans l’enseignement agricole.

 

biodiversite-oab ©EPLEFPA Le Gros Chêne

Les élèves du lysée agricole du Gros Chêne à Pontivy (Morbihan) lors de la journée biodiversité en 2019

L’OAB propose de suivre la biodiversité sur les parcelles agricoles depuis 2011 à travers quatre protocoles : abeilles sauvages, placettes vers de terre, planche à invertébrés, transect papillons. Dès le début, les établissements agricoles ont rejoint massivement l’observatoire. Qu’apportent les sciences participatives dans la formation des futurs professionnels de l’agriculture ?

L’OAB présente un grand intérêt à plusieurs niveaux. La plupart des établissements possèdent en leur sein des parcelles agricoles. La mise en œuvre, sur ces parcelles, des protocoles de suivis de la biodiversité, en lien avec les pratiques culturales, vient donc nourrir la pédagogie de terrain. Notre mission consiste à mieux faire connaître la biodiversité, et sensibiliser aux enjeux de l’agroécologie dans une approche très concrète. En faisant eux-mêmes les observations, les apprenants sont notamment amènés à interroger leurs pratiques.

Il arrive que des élèves issus de familles d’agriculteurs reproduisent les protocoles chez eux, ou sur leur lieu de stage. L’enseignement se diffuse à l’extérieur de l’établissement. L’OAB peut aussi encourager l’implication des élèves dans la vie de l’établissement, et des établissements dans l’animation du territoire. Faisant appel à plusieurs connaissances, les sciences participatives permettent enfin de décloisonner les filières « nature » et « agricole ». D’une manière générale, un agriculteur n’est pas suffisamment armé sur les questions de biodiversité, inversement un gestionnaire d’espace naturel reste encore éloigné des problématiques agricoles. Or, les enjeux environnementaux actuels nécessitent de transcender ces clivages.

Le succès de l’OAB dans les enseignements agricoles a entrainé la création d’un réseau national de « sites de démonstration ». Pourquoi ? Qu’attendez-vous de ce réseau ?

En 2017, une soixantaine d’établissements agricoles participaient déjà à l’OAB, mais sans forcément s’engager dans la durée. Comme pour tous les programmes de suivis participatifs, une ou deux années ne suffisent pas, tant sur le plan pédagogique que scientifique. Nous avons donc eu l’idée, il y a 3 ans, de créer un réseau de sites fixes de démonstration, reposant sur une convention avec le Ministère de l’Agriculture et de l’alimentation. En signant cette convention, les établissements s’engagent à mettre en œuvre sur leurs parcelles au moins un protocole de l’OAB sur 3 ans, de participer à des expérimentations, comme les phases tests de nouveaux protocoles. Ils s’engagent aussi à proposer des actions de valorisation de ce programme sur le territoire afin de sensibiliser et interroger sur la biodiversité dans les milieux agricoles.

Cela nous garantit un noyau dur de sites de suivis pérennes et connectés entre eux, que nous aidons de notre côté par un soutien pédagogique (formation et ressources) et scientifique (méthode de suivis). L’idée est de renforcer la cohésion de tous ces acteurs de l’agriculture, en mutualisant les outils et en partageant les expériences. Avec comme point d’orgue cette journée de rencontre annuelle que nous avons organisée début février au Muséum.

Trois ans après leur lancement nous comptons 30 sites de démonstrations dont 26 dans les établissements agricoles. Nous ont aussi rejoint deux chambres d’agriculture, et deux instituts techniques agricoles. Notre maillage s’étend à présent sur tout le territoire, avec des suivis sur des cultures très diversifiées : grande culture, maraîchage, arboriculture, viticulture et quelques prairies.

« Ça plait beaucoup aux élèves d’aller chercher les vers de terre, même une fois par an, avec la professeure de biologie » témoignait la représentante d’un lycée agricole d’Orange durant la journée. Comment s’intègre un protocole, en particulier celui sur les vers de terre, dans le parcours pédagogique ?   

Les protocoles sont souvent mis en place avec un professeur d’agronomie ou de biologie, parfois durant les heures d’interdisciplinarité. Concernant le protocole vers de terre, il peut s’intégrer dans le cadre d’un projet sur le sol. Ce protocole connaît un grand succès car l’écosystème du sol, tout comme les infrastructure agro-écologiques (haies, bordures, arbres etc.), sont des thématiques plébiscitées par l’enseignement agricole.

L’approche assez ludique – le mélange « magique » de moutarde qui fait remonter les vers à la surface, la clé de détermination - permet d’aborder les connaissances plus facilement. Mais aussi de changer les représentations. Au départ certains élèves sont très réticents à l’idée de toucher un lombric. Et souvent, en prenant le temps d’observer, d’identifier le groupe d’espèces, de déterminer l’âge et l’abondance, les appréhensions disparaissent. Apprendre simplement à nommer modifie le regard qu’on porte sur l’animal.

biodiversite-oab ©EPLEFPA Le Gros Chêne

Identification des vers de terre avec la clé de détermination

Les tendances issus des suivis montrent que de nombreux paramètres dépendent des pratiques agricoles menées sur la parcelle. Ainsi, à partir des résultats obtenus, des questions se posent : comment favoriser ou non une espèce ? En quoi est-elle importante pour l’écosystème ? Les données peuvent aussi être comparées à différentes échelles, celle de la parcelle, de toute l’exploitation et du territoire national. Les élèves deviennent ainsi acteurs de leurs apprentissages.

Les autres protocoles suivent le même cheminement réflexif. Les planches à invertébrés permettent d’aborder les auxiliaires de culture, une autre clé de la transition. Tout comme les nichoirs à abeilles sauvages avec les problématiques de pollinisation. L’approche par les services écosystémiques est une porte d’entrée, mais on peut aller plus loin et parler d’agriculture au service biodiversité.

Le Plan biodiversité lancé par le gouvernement en juillet 2018, définit comme ambition de doubler le nombre de sites démonstration. Croissance du réseau, nouveaux protocoles : quels sont les perspectives dans l’enseignement agricole ?

Nous allons évidemment continuer à développer le réseau des sites de démonstration. Une dizaine d’établissements sont déjà sur le point d’y rentrer. Les formations auprès des enseignants vont se poursuivre, les premières commenceront en juin prochain. Nous comptons aussi élargir les protocoles de suivi. La phase de test de Vigie-Chiro (chauves-souris) qui a eu lieu l’année dernière a réuni dix établissements agricoles. Savoir quelles chauves-souris, excellents auxiliaires de culture, passent au-dessus des parcelles intéresse les participants. Cela donne des indications sur la qualité des paysages. Comme l’envoi des données s’est révélée complexe –le protocole étant habituellement utilisé par des naturalistes - l’équipe travaille actuellement à l’adaptation des outils pour faciliter la prise en main par les agriculteurs et conseillers agricoles.

A Vigie-Nature, l’observatoire Florilèges prairies-urbaines, plutôt réservé aux gestionnaires d’espaces verts pour l’instant, et qui interroge sur les pratiques de gestion des prairies urbaines (fauches, pâturage…), pourrait également faire son entrée dans les établissements agricoles. Et à plus court terme, le SPIPOLL. Dès ce printemps, dans le cadre d'un concours, nous proposerons aux élèves d’Ile-de-France de photographier les insectes pollinisateurs sur leurs parcelles en fleurs. 

 

 

site_démonstrations_OAB © Nora Rouillier

3èmes rencontres nationales des sites de démonstration, le 6 février 2020 au Muséum national d'Histoire naturelle

 

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