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L’OAB, relation longue durée entre monde agricole et écologues

Sciences participatives

La journée nationale des sites de démonstration de l’OAB a eu lieu au Museum national d’Histoire naturelle en cette fin de mois de janvier. Une rencontre entre des acteurs du monde agricole et scientifique qui œuvrent à une meilleure connaissance des effets des pratiques agricoles sur la biodiversité.

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Nichoir à abeille - crédit : Preudhomme.

 

L'Observatoire Agricole de la Biodiversité est un programme de sciences participatives qui s’adresse au monde agricole depuis 2011, piloté scientifiquement par le MNHN en partenariat avec l’université de Renne I. Abeilles solitaires, papillons de jour, invertébrés du sol dont les vers de terre et chauves-souris sont scrutés par les participants sur leurs parcelles. L’objectif : faire un suivi au niveau national de ces groupes en milieu agricole, et pouvoir discerner les pratiques qui les favorisent ou ont un effet délétère sur eux.
Le réseau des sites de démonstration a vu le jour en 2017 sous la double impulsion des structures de pilotage et de la volonté des participants. Ces sites s’engagent de manière plus approfondie dans les suivis, constituant des points de référence en termes de résultats. Ils sont aussi des lieux de diffusion et d’animation du réseau. Ainsi, ils sont de véritables leviers pour l’observatoire.
 
La journée commence par quelques mots d’Antoine Roulet, adjoint du Bureau changement climatique et biodiversité (DGPE, ministère de l’agriculture), sur l’importance de « ces journées d’échange et le caractère remarquable de l’OAB dédié à la fois à produire des connaissances et sensibiliser les professionnels sur la biodiversité en milieu agricole ». Et cela à long terme, parce que le suivi in situ de la biodiversité nécessite beaucoup de données dans le temps, et parce que la sensibilisation de la société et le changement des pratiques prend également du temps. Notons que le modèle de l’OAB a essaimé chez nos voisins espagnols (Observatorio de la Biodiversidad Agraria), et la thématique des sciences participatives adressées aux acteurs du monde agricole éveille également l’intérêt outre-manche.  Antoine Roulet rappelle que les enjeux portés par l’OAB sont partagés avec le ministère de l’agriculture : la relation entre agriculture et biodiversité est sur la table des négociations, tant au niveau européen via le nouveau règlement sur la restauration de la nature que national avec la stratégie nationale biodiversité 2030.
 
Nora Rouillier (coordinatrice du programme au MNHN), Marine Gérardin (coordinatrice sciences participatives pour l’enseignement agricole au MNHN) et Mylène Hamon (Chargée d’études Biodiversité à la Chambre d’Agriculture) présentent l’actualité du réseau qui compte 1716 exploitations inscrites depuis son lancement et 31 sites de démonstration. L’animation évolue pour favoriser les échanges entre les chercheurs et les participants avec des webinaires sur l’écologie d’espèces suivies et avec des formations sur les protocoles en visio-conférence pour faciliter leur mise en œuvre. Sur le plan scientifique, Emmanuelle Porcher, chercheuse et directrice du Cesco fait un point sur les recherches en cours et à venir depuis les travaux de thèse d’Olivier Billaud 2021 mené au MNHN (entretien avec O. Billaud, en savoir plus sur les résultats, voir la soutenance de thèse en replay). Aujourd’hui les données récoltées par l’OAB prennent leur envol, puisqu’elles sont mobilisées par des programmes de recherche portés par des extérieurs en collaboration avec le MNHN. Il s’agit par exemple d’investiguer sur les causes du déclin des vers de terre ou encore d’évaluer les effets de la diversification des cultures (mélange d’espèces ou mélange de variétés au sein d’une même espèce) sur la biodiversité et le recours aux pesticides.
Au-delà de la production en recherche fondamentale, la volonté de produire des indicateurs de biodiversité opérationnels pour les participants est là : Des réflexions sont en cours autour de la mise en place de restitutions à l’échelle de la parcelle, un enjeu de longue date pour l’observatoire
 
Les deux témoignages suivants laissent deviner la diversité des initiatives et des structures qui peuvent être site de démonstration. Cécile Gilcer présente Agrof’île, association loi 1901 dont le but est « d’accompagner les changements de pratiques agricoles et valoriser la biodiversité à toutes les strates, de l’herbe à l’arbre, pour améliorer la fertilité des agro-systèmes et la résilience des fermes ». Créée en 2016 par des agriculteurs suite à un constat de baisse de fertilité sur leurs parcelles, l’association place l’arbre au cœur de la solution. Pré-verger, haie bocagère de fourrage, ripisylve en bosquet, et bien d’autres configurations arborées sont des manières pour l’association d’introduire de l’agroforesterie dans les milieux agricoles. Et la participation à des protocoles de suivi de biodiversité dont l’OAB une des manières d’en mesurer l’impact sur la biodiversité. Agrof’île rassemble aujourd’hui des agriculteurs, des agronomes, des paysagistes, des scientifiques, des enseignants et des consommateurs.
Eric Thébaud et Hubert Pérignon présentent l’établissement public local d’enseignement et de formation agricoles (EPLEFPA) du Balcon des Ardennes comprenant un lycée agricole avec différentes filières (bac général, pro, BTSA), des formations dans divers secteurs (Métiers de la forêt, Travaux paysagers, Agriculture) et une exploitation en conversion vers l’agriculture biologique. Elle compte 137 hectares dont 110 en prairies permanentes, 4 en cultures et 8 en forêt. S’y trouvent également un troupeau de vaches et un troupeau de « Roux Ardennais » (race locale menacée de disparition) principalement utilisé pour de l’éco pâturage dans le département. Un atelier de transformation des produits et un lieu de vente pour les producteurs locaux complètent le tout. Mares, lisières boisées, bosquets, haies structurent le paysage et permettent la mise en œuvre de projets via la filière aménagement (réhabilitation, mesures compensatoires, suivi participatifs dont ceux de Vigie-Nature, …). Participant à l’OAB depuis 2014, l’observatoire est utilisé à des fins pédagogiques et participe à décloisonner les filières production et les filières nature. Les observations qui en résultent sont ensuite communiquées à l’exploitation agricole. Parmi les perspectives, le développement de partenariats sur le territoire est en germe.

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Les intervenants des sites de démonstration : Cécile Gilcer (Agrof'île), Eric Thébaud et Hubert Pérignon (Balcon des Ardennes)

Pour clore la matinée, Denis Couvet (président de la FRB, professeur au MNHN et membre de l’Académie d’Agriculture de France) a donné une conférence intitulée « Agriculture et biodiversité, des relations complexes ». Le concept de services écosystémiques déployé pour le Millenium Ecosystem Assessment a donné de la visibilité aux services de support (formation des sols, recyclage de la matière organique, etc.) et de régulation (régulation du climat, purification de l’eau et de l’air, pollinisation, etc.) qui, s’ils sont rendus silencieusement par les écosystèmes, nous sont vitaux. C’est d’eux dont dépendent les services d’approvisionnement (nos ressources en nourriture, eau, matériaux…). Ainsi, les pratiques humaines, dont l’agriculture, font que les services d’approvisionnement sont en augmentation (par exemple la production de nourriture) et que les services de support et régulation (par exemple, la purification de l’eau et la pollinisation) dont ils dépendent sont en déclin : Mais pour combien de temps encore ? Les états se penchent sur le sujet et la COP 15 de janvier 2022 a abouti à l’Accord de Kunming-Montréal. Pour l’agriculture, l’objectif « L'intégrité, la connectivité et la résilience de tous les écosystèmes sont maintenues, améliorées ou restaurées », pose notamment la question de définir l’intégrité des écosystèmes agricoles. Denis Couvet a ensuite explicité les cibles (objectifs adoptés) en lien avec l’agriculture, ce qui a ouvert des débats avec les participants.
 
Après un déjeuner au restaurant de la mosquée de Paris, et la visite de la graineterie du MNHN, le reste de la journée a été consacrée à des échanges. Des trucs et astuces pour réaliser efficacement les nichoirs à abeilles aux résolutions de paramétrage des enregistreurs pour les chauves-souris, chacun a pu partager des expériences sur les protocoles et ses découvertes. « Une belle expérience chez nous qui nous a fait comprendre que pour les vers de terre, il faut décompacter le sol, et depuis les populations de ver de terre ont explosées. On a transmis l’information au chef de l’exploitation pour éviter trop de pratiques qui compactent le sol » nous raconte l’un des participants. Clôturée par un temps de partage de « pépites » de la journée, on retient que le présentiel et les échanges sont vraiment bienvenus après le temps de la covid, la richesse et la diversité des interventions de la journée, et que la visite de la graineterie est une expérience à faire dans sa vie !

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HD.

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