Back to top
bandeau.jpg

Oiseaux des jardins, 10 ans d'observations

Sciences participatives

La semaine dernière, Oiseaux des jardins a rendu public le bilan de ses 10 ans : L'observatoire rencontre un grand succès et les observations apportent des informations précieuses pour le suivi des oiseaux à l'échelle nationale. En revanche, nos oiseaux déchantent.

 

mesange_bleue_boullah.jpg

 

ODJ, un observatoire jeune et en pleine vitalité !
Dès son lancement en 2012, 3000 participants avaient déjà répondu à l’appel d'Oiseaux des jardins. Marjorie Poitevin, responsable du programme à la LPO, indique que depuis, plus de 85 000 participants ont enregistré leurs observations, constituant ainsi une collection de données dans quelques 100 000 jardins. C’est sans conteste le programme grand public de Vigie Nature qui attire le plus d’observateurs ! C’est aussi le programme pour lequel le plus grand nombre de participants restent fidèles années après années : 4 679 jardins sont suivis depuis plus de 5 ans. Lors de la conférence de presse de la semaine dernière, Bruno David, le président du MNHN, et Allain Bougrain-Dubourg, le président de la LPO, rappellent que l’observatoire est encore jeune, « 10 ans c’est peu de chose en science ». En effet, pour faire émerger des tendances fiables de l’évolution de populations soumises à de nombreuses pressions environnementales, il faut de beaucoup de données. Défi réussi pour ODJ : grâce à la participation de chacun, c’est 1 408 381 heures d’observation soit l’équivalent de 160 années d’observations cumulées !
 
Le bilan des 10 ans en 2 saisons : tendances hivernales et printanières, quésaco ?
Les rendez-vous des week-end de comptage, l’un hivernal et l’autre printanier rassemblent des observations provenant de 58 220 jardins. C’est sur ces données que s’appuie le bilan, qui permet d’établir une tendance hivernale et une tendance printanière par espèce. Pourquoi différencier les deux ? « Les oiseaux de France se comptent au printemps » affirme Allain Bougrain-Dubourg. Les oiseaux que nous observons au printemps sont ceux qui nichent (qui font leur nid, se reproduisent et élèvent leurs poussins) en France. Certains de ces oiseaux dits « nicheurs » restent en France toute l’année tandis que d’autres migrent pour passer l’hiver ailleurs. Les comptages réalisés en hiver rassemblent ainsi les nicheurs qui restent et les oiseaux dit « hivernants » : Ceux-ci viennent passer l’hiver en France mais se reproduisent ailleurs. Oui, des passereaux de quelques grammes qui sautillent l’air de rien dans nos jardins sont bel et bien capables de parcourir des centaines ou même des milliers de kilomètres.  
On peut ainsi voir des tendances différentes en hiver et au printemps pour une même espèce. Prenons le Merle noir : les comptages de ces 10 derniers printemps indiquent que les populations qui nichent en France sont en déclin, mais les populations d’Europe du nord qui viennent passer l’hiver en France font que l’on observe une stabilité au comptage hivernal. On retiendra que l’on n’observe pas les mêmes populations d’oiseaux en hiver et au printemps résume Benoit Fontaine, responsable des observatoires naturalistes à Vigie-Nature, lors de la conférence de presse. En revanche, on trouve la même tendance en hiver et au printemps pour le moineau domestique qui lui, ne migre pas.
En consultant le bilan, vous trouverez l’évolution du classement des oiseaux les plus observés dans les jardins en hiver et au printemps entre 2013 et 2023 (les classements sont relatifs d’une espèce par rapport à une autre, ils ne reflètent pas forcément les tendances des populations), un récapitulatif de tendance de présence (tendance au déclin, stable, en augmentation ou inconnue), et des zooms sur des espèces avec les variations d’abondance de leur population et des explications sur ces variations.
 
10 ans de comptage au printemps : 41% d'espèces d’oiseaux nicheurs en déclin.  
Les données récoltées sur 10 ans au printemps par l’ODJ indiquent que 41 % des espèces d’oiseaux nicheurs sont en déclin. « C’est une hécatombe » déclare Allain Bougrain-Dubourg lors de la conférence de presse. Hécatombe qui touche certaines espèces plus que d’autres, comme le Bouvreuil pivoine et l’Accenteur mouchet. Le cas du Martinet noir inquiète, avec une baisse d’abondance vertigineuse de 46%, victime de la disparition des insectes volants due aux pesticides, de la récurrence des épisodes caniculaires et des rénovations de bâtiments qui réduisent ses possibilités de nicher sous les toitures. L’abondance des Verdier d’Europe a également chuté de 46%. Sont en cause l’intensification des pratiques agricoles, avec un usage massif d’herbicides et de pesticides et la régression des prairies naturelles, mais aussi la propagation d’une maladie causée par un parasite qui se transmet par contact direct. N’oubliez pas de lavez les mangeoires !

bouvreuil_et_accenteur.jpg

10 ans de comptage en hiver : 49% des espèces en augmentation. Une nouvelle plus ou moins bonne...
Les augmentations les plus fortes concernent la Perruche à collier (répandue en Ile de France, à Marseille, Toulouse, Nancy...), le Pigeon bizet et le Pigeon ramier, le Choucas des tours. Les Chardonnerets élégants ont également été observés en grand nombre. Espèce migratrice, il est possible qu’ils viennent chercher en France ce qu’ils ne trouvent plus près de leurs zones de nidification. Le programme STOC (suivi temporel des oiseaux communs) alimenté par des spécialistes qui observent les oiseaux dans les campagnes indique un déclin modéré pour les chardonnerets. Il est ainsi fort probable qu’ils soient plus présents dans les jardins pour y trouver refuge et ressources. Pauline Pierret a en effet montré dans son travail de thèse que « plus les pratiques agricoles sont intensives, plus les oiseaux viennent dans les jardins qui distribuent de la nourriture. Il y a une vraie attraction des mangeoires en hiver. Cet effet est d’autant plus fort pour les oiseaux spécialistes des milieux agricoles : Bruant jaune, Linotte, Moineau friquet... toutes ces espèces qu’on ne devrait pas trouver en temps normal dans les jardins ! » (lire l’article). Et si la tendance est à l'augmentation pour la majorité des espèces en hiver, n’oublions pas les 11% qui présentent un déclin, comme le Moineau friquet et la Mésange noire.

chardonneret_moineau.jpg

Veiller sur nos oiseaux
En 2021, l'Office Français de la Biodiversité et le Museum national d'Histoire naturelle avaient alerté sur le déclin de 30% des oiseaux communs en France, en se basant sur le bilan du STOC. L'UICN fait état d'une menace de disparition concernant 32% des oiseaux nicheurs de France. Le bilan d’ODJ est en cohérence avec les résultats des programmes experts. Il apporte également des informations sur la fréquentation des oiseaux dans les espaces privés inaccessibles aux experts que sont les jardins. Ces espaces occuperaient 2% de la superficie du territoire soit 4 fois plus que les réserves naturelles. Ils ont un rôle d’autant plus fondamental pour soutenir les populations d’oiseaux à l’heure où des pratiques agricoles néfastes à la biodiversité sont aussi répandues. « Pour sauver les oiseaux de proximité, on sera obligé de revisiter notre mode de vie.  C’est un changement de paradigme sur le thème de l’agriculture intensive et de l’artificialisation. Chacun peut agir à sa mesure » dit Allain Bougrain-Dubourg, « L’oiseau est un indicateur de l’état de la biodiversité : lorsque les populations d’oiseaux sont en nombre c’est le cortège du vivant - les insectes, les mammifères, les batraciens et autres - qui s’épanouit. En revanche quand les oiseaux disparaissent, c’est la biodiversité qui s’estompe. » Pour conclure sur une touche optimiste, le succès de la participation à ODJ montre que nous sommes de plus en plus nombreux à veiller sur nos oiseaux.  

HD.

Vous aimerez aussi

Fond de carte