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oiseaux_montagne © florent.sms.jpg

Les oiseaux de montagne déclinent en Europe

Sciences participatives

 

Selon une étude récente menée en partie avec les données du STOC les oiseaux des montagnes déclinent sur le continent. Suspect numéro un : le réchauffement climatique.

Face au réchauffement climatique, tous les oiseaux ne réagissent pas de la même façon. Certaines espèces s’en accommodent, d’autres s’adaptent. La plupart optent cependant pour le déplacement vers des cieux plus cléments. Il y a quelques années, des chercheurs du Muséum avaient pu constater une remontée des oiseaux vers le Nord, suivant les températures qui se seraient décalées de 250 km en 20 ans. Sauf que les espèces étudiées ne parvenaient pas à rattraper leurs températures optimales : devant s'adapter en permanence à leurs nouveaux territoires, elles accusaient un retard de 212 km... Outre ces déplacements horizontaux, une autre stratégie consiste à aller chercher un peu d'air frais en altitude. Bien décrite chez les plantes, cette ascension s’observe aussi chez les oiseaux de montagne. Stratégie probablement guère plus payante, du moins sur le long terme. Car une fois niché au sommet, difficile de monter plus haut…

Chute de 7% en Europe

Cette ruée vers les sommets a été relativement bien décrite localement chez les oiseaux de montagne. Or, ses conséquences écologiques demeurent mal connues. En particulier concernant les passereaux communs de haute montagne nichant dans les milieux ouverts au-dessus des dernières forêts. « Contrairement aux plantes [voir l’article ici], peu de travaux ont été menés sur la variation des communautés d’oiseaux en montagne à grande échelle » précise Romain Lorrillière chercheur au Muséum et co-auteur d’une récente étude venant combler cette lacune.

Ainsi 12 pays du European Bird Cencus Council, un vaste réseau de programmes de comptage d’oiseaux communs, se sont associés pour mettre en commun des données d’abondance dans les habitats ouverts des massifs montagneux du continent. Les données françaises proviennent du STOC (Suivi temporel des Oiseaux Communs), dont plusieurs points de comptage se situent en altitude. « Ça n’a pas été facile de trouver des habitats similaires et comparables avec les mêmes espèces, admet Romain. Une espèce peut nicher dans un même habitat au niveau de la mer en Finlande et à 2 000 mètres dans les Alpes. »

Merle à plastron, Pipit farlouse, Rouge-queue noir… 44 espèces communes ont ainsi été retenues, selon les données disponibles sur 11 massifs, de la Fennoscandie  aux Alpes en passant par les Pyrénées et les Highlands de Grande-Bretagne. Les chercheurs ont ensuite examiné les variations de l’abondance de ces populations entre 2002 et 2014.

Résultats ? Dans l’ensemble, l’abondance des espèces diminue de 7% sur la décennie. Sans grande surprise, ce sont les « spécialistes » des montagnes (présents surtout dans ce type d'habitat) qui régressent le plus (14 sur 44), comme le Sizerin flammé (Carduelis flammea) ou le Bruant fou (Emberiza cia). Tandis que les « généralistes » s’en sortent mieux ; 8 sont même en augmentation, à l’instar du Merle à plastron (Turdus torquatus). Mais globalement, rien de réjouissant. « Les oiseaux des montagnes se portent moins mal que les oiseaux des terres agricoles, mais nettement pire que les oiseaux forestiers en Europe. » affirment les auteurs dans l’étude.

bruant_fou © Romain_Lorillière -MNHN

Bruant fou qui régresse en moyenne

 

Espagne, Scandinavie dans le rouge…

Pourtant, tous les massifs ne subissent pas le même sort. Alors que la péninsule ibérique (avec un tiers des sites dans les Pyrénées) voit ses populations décroître significativement, les Alpes (regroupant des sites du massif central à la République Tchèque) s'en tirent relativement bien. L'hypothèse de Romain : "Les oiseaux ont probablement moins de mal à de se déplacer dans les Alpes que dans les Pyrénées. La chaîne alpine couvre en effet de vastes régions, à cheval sur plusieurs pays aux latitudes et altitudes variées". Plus haut, plus au Nord, devant le réchauffement des températures, les oiseaux disposeraient en effet d’une certaine marge de manœuvre pour se maintenir dans des habitats favorables. Alors qu’au sein des massifs isolés, les espèces ont bien moins de possibilités.

Changer de massif ? "Il faut savoir que de nombreux oiseaux se reproduisent seulement à quelques kilomètres (le plus souvent à moins de 10 km) du lieu où ils sont nés. Même les migrateurs. Donc si l’habitat se dégrade insidieusement, comme par l’augmentation relativement monotone des températures, ces derniers auront du mal à quitter leur territoire » ajoute le chercheur. Se rapprocher des sommets ? « Pour gagner un degré en température, s’il faut parcourir des dizaines de kilomètres vers le nord, il suffit de monter de 100 mètres en altitude, ajoute Frédéric Jiguet, coordinateur national du STOC et également auteur de l'étude. Suivre le réchauffement du climat est plus accessible en montagne qu’en plaine ». Cela pourrait fonctionner un temps, avant que, petit à petit, le mercure grimpant, la niche climatique se resserre. Et que l’espace vital se réduise. 

Il est donc possible que ces phénomènes affectent la reproduction dans certaines régions. Ce qui expliquerait ce déclin Européen. Attention cependant, il serait prématuré d'incriminer avec certitude le seul réchauffement climatique dans ce déclin de 7%, tant les facteurs agissant sur ces oiseaux sont complexes et dépendant des contextes locaux. D’autres causes pourraient en effet peser : « La diminution des activités agropastorales entraine le reboisement à ces altitudes, ce qui perturbe les oiseaux inféodés aux milieux ouverts» postule Romain. Mais le cas du Nord de la Scandinavie vient tout de même renforcer l’hypothèse climatique : bien moins endommagés par les activités humaines, les massifs font pourtant partie des plus rudement marqués par le déclin. Or, « ces régions sont aussi les plus touchées par le réchauffement climatique » rappelle-t-il.

De nouvelles études doivent encore affiner les causes locales des baisses de population. « Dans l’avenir, le réchauffement en montagne devrait être de deux à trois fois plus élevé que celui enregistré au cours du XXème siècle » concluent les auteurs. Ce qui est sûr, c’est que les oiseaux de montagne font face à un véritable défi d’adaptation.

 

Lire l'étude, sous la coordination d’Aleksi Lehikoinen chercheur au Museum d’Histoire Naturelle d’Helsinki (Finlande)
 

Le STOM, adaptation du STOC en montagne En 2012 les parcs nationaux, le CEFE et le MUSEUM d’histoire naturelle se sont associés pour créer le STOM, Suivi Temporel des Oiseaux Montagnards. Le protocole du STOC a été adapté au milieu montagnard. Par exemple les dates de comptages ne sont plus fixes mais déterminées selon le déneigement des sites ; le temps d’écoute est également modifié. Depuis son lancement 1400 points d'écoute ont été répartis entre 1700 et 2400 mètres d'altitude couvrant tous les massifs de France. Si le STOM est encore trop jeune pour révéler des tendances, il devrait bientôt contribuer au réseau Européen à l’origine de la publication détaillée au-dessus. A termes, des espèces des milieux supra-forestiers comme le Pipit spioncelle, le Traquet motteux ou encore l'Alouette des champs pourront faire l’objet de suivis temporels plus précis qu’avec le STOC.

 

PS bonne nouvelle : En parlant d’alouette des champs, l’étude a révélé qu’en montagne les populations d’alouette des champs… augmentent ! Alors qu’elles s’effondrent en campagne ! Cela renforce l’idée que l’agriculture intensive, absente dans les montagnes, pourrait être grandement responsable de sa régression en milieu agricole.

 

 

 

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