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Opération papillons : des données prometteuses !

Sciences participatives

 

C’est désormais confirmé : les observations du grand public décrivent des phénomènes écologiques et biologiques majeurs, ouvrant de belles perspectives de recherche.

 

 Argus Bleu © gruner_zipfelfalter

L’argus vert, un papillon en déclin comme le montrent les trois suivis de Vigie-Nature

Trois suivis de papillons de jour sont proposés à Vigie-Nature : l’Opération papillons pour le grand public, le STERF pour les naturalistes et le PROPAGE destiné aux gestionnaires d’espaces verts. Ces deux derniers protocoles consistent à échantillonner des transects, c’est-à-dire des parcours linéaires (le long d’un chemin par exemple) plusieurs fois par ans, aux mêmes dates. De son côté, l’Opération Papillons, ouvert à tous avec ou sans connaissances préalables , repose sur un simple rapportage hebdomadaire des espèces communes de son jardin, sans contrainte de durée ni de parcours. Moins contraignant, ce programme possède une force de frappe unique : il s’appuie sur une immense armée de participants (près de 15 000 jardins suivis depuis le début), répartis de façon relativement homogène sur le territoire. Le PROPAGE et le STERF misent sur un jeu de données certes moins abondant, mais plus précis.

Dès lors, que nous disent ces différentes sources d’information des papillons communs ? Ces trois suivis témoignent-ils des mêmes réalités biologiques et écologiques ? L'affirmative aurait de quoi rassurer, en particulier sur la pertinence des données du grand public, davantage susceptibles d’héberger des erreurs d’identification. Or peu d’études comparatives ont été menées. Et aucune sur les trois jeux de données en même temps. Une tâche à laquelle s’est attelée Solène Agnoux durant son stage de Master d’écologie. Son objectif : comparer les variations d’abondance de plusieurs espèces de papillons d’une année sur l’autre. Après six mois de travail intense, de manipulations de données, de gymnastique statistique, de modélisations, le verdict tombe. « Le résultat le plus impressionnant concerne les variations interannuelles, qui sont sensiblement les mêmes. Les trois courbes se confondent ! se réjouit Solène. C’est surtout le cas pour quelques espèces précises. »

Le constat est en effet saisissant pour les espèces très échantillonnées autant par le grand public que par les gestionnaires et les naturalistes. Dans le cas de la belle dame, on a bien, sur les trois courbes, trois pics d’abondance aux mêmes dates : en 2013, 2015 ou 2019, années de forte intensité migratoire. Idem pour le souci. Ce papillon des milieux ouvert et des prairies était particulièrement abondant en 2013 et 2015. Pour le paon du jour, le creux de 2015 est suivi d’une belle remontée en 2017. « Ces courbes traduisent une même réalité biologique, la forte variation d’abondance des papillons d’une année sur l’autre » souligne Solène.

 

Belle dame

Solène Agnoux

 Les trois courbes d'abondance de la belle dame en fonction du temps montrent des pics aux mêmes dates : en 2013, 2015 ou 2019, années de forte intensité migratoire (OPJ = Opération papillons)

 

Comment expliquer ces variations interannuelles ? Les papillons, insectes fragiles aux cycles biologiques complexes, comptent selon les espèces et les années de une à trois générations par an. Ils sont de ce fait très sensibles aux moindres variations environnementales, comme la météo. Selon qu’on connaisse un printemps froid et humide ou chaud et sec, les générations d’insectes seront plus ou moins nombreuses. Le chercheur Romain Julliard propose une hypothèse complémentaire sur les fortes variations du paon du jour : « Ce papillon sédentaire voit ses chenilles et ses œufs prédatés par de nombreuses espèces, dont des petites guêpes qui ont aussi des cycles avec des années creuses et des années pleines. Les variations du paon du jour qu’on observe sur ces courbes sont peut-être liées à cette dynamique entre le papillon et son régulateur. »

Le deuxième résultat porte sur les tendances à long termes. Et là aussi, sur dix ans, entre 2010 et 2020, les trois jeux de données s’accordent. Notamment pour quelques espèces facilement identifiables. L’argus vert est plutôt en déclin, le machaon reste stable tandis que l’amaryllis ou le citron ont tendance à augmenter. Le travail de Solène est d’une importance capitale. Tous ces résultats sont même exceptionnels, d’après Romain Julliard. Pourquoi ? D’une part ils confirment que l’œil d’un amateur peut mettre en évidence de véritables phénomènes biologiques et écologiques, au même titre que celui d’un initié. Du fait de la masse de données et de la grande couverture géographique, les données des novices motivés complètent bien celles des professionnels. Cela ouvre des perspectives de recherche réjouissantes. « Nous pourrions par exemple mettre en relation ces variations interannuelles avec le régime alimentaire des chenilles, ou savoir si les papillons à une seule génération s’en sortent mieux ou moins bien sur le long terme. »

Poussons un peu plus loin l’ambition. Pourquoi ne pas utiliser les données des trois observatoires pour créer un indicateur d’abondance annuel afin de suivre les variations de chaque espèce commune à travers tout le pays, à la manière de ce qui se fait pour les oiseaux communs (STOC) ? Solène tempère nos ardeurs : « Le Silène par exemple, bien plus présent dans le sud de la France, est très peu échantillonné dans le cadre du PROPAGE (pratiqué essentiellement dans le nord du pays), de même que le sylvain, papillon forestier est peu échantillonné par les participants à l’Opération papillons, tout simplement car ces derniers observent surtout dans les milieux ouverts, essentiellement urbain et périurbain. C’est un exemple de biais auquel nous sommes confrontés. » La solution ? Augmenter encore la participation et la couverture territoriale des observatoires pour combler les lacunes. Une solution temporaire consisterait à restreindre les mesures à certaines régions, comme le nord du pays, ou les trois observatoires sont bien implantés et donc se complètent.

Bref il y a du pain sur la planche. Le travail de Solène n’est qu’un début. Elle tient à remercier les participants qui fournissent année après année des trésors de données, dont le sens reste encore largement enfoui dans la terre chaude de nos serveurs informatiques. Mais qui se dévoile peu à peu.

 

 

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