Les tendances des populations de chauves-souris françaises viennent d’être dévoilées par Vigie-Chiro. Et il n’y a pas de quoi se réjouir…
Les chercheurs ont analysé les données prélevées par quelques 412 participants bénévoles entre 2006 et 2019 sur près de 7 000 sites en France, que ce soit au cours de circuits routiers, pédestres ou en point fixe. Que nous disent les tendances ? Sur les 6 espèces communes dont les données d’observations sont suffisantes pour déterminer les tendances temporelles, trois sont dans un état critique flagrant : la Sérotine commune qui a perdu 30% de ses effectifs, la Pipistrelle de Nathusius amputée de 46 % de ses congénères et enfin la Noctule commune, la plus mal en point, accusant une diminution de 88%…
Pour les trois autres espèces (Pipistrelle commune, Noctule de Leisler ou Pipistrelle de Kuhl), la dégringolade est moins impressionnante. Or la situation ne s'améliore pas pour autant. La Pipistrelle commune, par exemple, qui déclinait fortement dans le Bassin Parisien depuis le début du programme, a vu son déclin s’atténuer en raison de l’amélioration des suivis dans l’Ouest et le Sud de la France, régions où l’espèce se porte mieux. Pressions d’échantillonnage, météo, mais aussi erreurs d’identification : prendre en compte et corriger ces biais potentiels est un défi permanent pour les chercheurs depuis le début du programme. « Nous progressons d’année en année, nos données deviennent de plus en plus robustes » explique Charlotte Roemer de la team Chiro.
Malgré ces variations entre espèces, le constat général est sans appel : « Globalement les espèces suivies sont majoritairement en déclin ! » déclare la chercheuse. Les causes ? D'une part les collisions avec les pales d’éoliennes qui concernent principalement les espèces migratrices volant plus haut que les autres. Parmi elles, les deux plus touchées : la Noctule commune et la Pipistrelle de Nathusius. Un fait confirmé par les données de suivis de mortalité éoliens. Les autres causes sont tantôt indirectes en ce qui concerne la diminution des ressources en insectes liées à la pollution lumineuse, aux pesticides ; tantôt directes avec les collisions routières et la disparition des habitats. Le changement climatique devrait aussi accentuer le déclin de certaines populations, en particulier celles qui tolèrent moins les fortes températures. D’autres pourraient en profiter comme la Pipistrelle de Kuhl en étendant son territoire vers le Nord. Néanoins les conséquences à long terme restent encore incertaines.
Si ces tendances ne font pas l’objet de publications scientifiques dédiées, elles sont un outil indispensable pour suivre à grande échelle spatiale et temporelle les effectifs de populations de chauves-souris. Nulle autre méthode ne pourrait y parvenir. Parmi les applications concrètes, la mise à jour régulière de la liste rouge des mammifères d’Europe de l’UICN. C’est ainsi que la Noctule commune, identifiée en catégorie “Quasi menacée” lors de la précédente évaluation, est désormais classée “Vulnérable”. L’indicateur guide aussi le Plan National d’Action en faveur des chauves-souris piloté par le ministère.
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