-50% de papillons de prairie en 20 ans.
C’est le triste constat dressé par une étude de l’European Environment Agency (EEA). La nouvelle est tombée lundi dernier, les populations de papillons de prairies ont décliné de 50% ces 20 dernières années. Ce résultat préoccupant est tiré de l’European Grassland Butterfly Indicator, un indicateur basé sur des données de sciences participatives issues de 19 pays européens de 1990 à 2011.
La principale cause du déclin des papillons de prairie - et d’autres insectes pollinisateurs - est le changement d’utilisation des terres agricoles. En effet, « les insectes sont victimes de l’agriculture intensive, qui uniformise les milieux et utilise une grande quantité de pesticides. Mais le recul de l’élevage dans certaines campagnes fait disparaître les surfaces de prairie, favorables aux pollinisateurs, qui sont envahies par les broussailles et la forêt » souligne Romain Julliard, chercheur au Muséum national d’Histoire naturelle, responsable scientifique de Vigie-Nature et co-auteur de l’étude publiée par l’EuropeanEnvironment Agency.
Regardons les chiffres de plus près. Sur les 17 espèces de papillons suivies par l’indicateur : huit ont décliné en Europe, c’est le cas par exemple de l’Argus bleu (Polyommatus icarus). Deux espèces sont restées stables et une seule a vu ses effectifs augmenter, l’Hespérie des sanguisorbes (Spialia sertorius). Pour les six autres, la tendance est incertaine. Ces tendances ont été calculées grâce à l’agrégation des indicateurs nationaux, obtenus à partir des données récoltées selon des protocoles standardisés : des milliers de professionnels et de volontaires en Europe réalisent chaque année des comptages de papillons.
En France, le coordinateur national pour l’European Grassland Butterfly Indicator est Benoît Fontaine, chercheur au Muséum national d’Histoire naturelle, co-auteur de l’étude et responsable des suivis papillons de Vigie-Nature. L’indicateur européen est en effet alimenté par les données du Suivi Temporel des Rhopalocères de France (STERF), un observatoire naturaliste de Vigie-Nature mis en place en 2005 et co-piloté par le Muséum et l’Association des Lépidoptéristes de France (ALF). Ce suivi est réalisé par des observateurs volontaires, expérimentés dans l’identification des papillons. Il est réalisé dans un carré de 2 x 2 km, choisi par l’observateur ou tiré au sort dans un rayon de 10 km autour du lieu de son choix. Dans ce carré, 5 à 15 transects sont parcourus, et tous les papillons vus (posés ou en vol) le long de ces lignes d’échantillonnage sont identifiés et comptés. Chaque transect est parcouru en 10 minutes lors des 4 à 6 visites annuelles : d’avril-mai à aout-septembre, ou plus souvent selon la météo et les disponibilités de l’observateur. « Les données récoltées sur les 215 sites suivis par les participants du STERF depuis huit ans ont permis de compter plus de 240 000 papillons de près de 200 espèces différentes» commente Luc Manil de l’ALF, responsable et coordinateur national du STERF avec Benoit Fontaine.
Ces données sur le long terme et à large échelle permettent d’établir des tendances nationales intégrées par la suite à l’indicateur européen. C’est grâce à ces données que l’on observe notamment que les populations d’Argus bleu (Polyommatus icarus) et de Cuivré commun (Lycaena phlaeas) semblent décliner très légèrement au niveau national, à l’instar des populations européennes. A contrario, dans la moitié nord de la France, l’Azuré bleu céleste (Polyommatus bellargus) semble quant à lui en forte régression ces huit dernières années, tandis que les populations semblent stables au niveau européen sur les 20 dernières années.
Le rapport de l’European Environment Agency tire la sonnette d’alarme et alerte décideurs et politiques de la nécessité de préserver ces espèces de papillons et leurs habitats, notamment à travers le réseau européen d’espaces protégés Natura 2000. L’Agence recommande une redistribution de la Politique Agricole Commune (PAC) en faveur du soutien à l’agriculture traditionnelle à petite échelle afin de réduire l’abandon et l’intensification des cultures.
Chaque citoyen peut également, chez lui, contribuer à enrayer ce déclin. Les résultats de l’Observatoire des Papillons des Jardins, un programme grand public de Vigie-Nature co-piloté par le Muséum et Noé Conservation, montrent que les pratiques de jardinage influencent fortement la biodiversité des jardins. « Quelques gestes simples comme éviter l’usage de pesticides et laisser un coin de jardin au naturel, permettent de faire des jardins de véritables oasis pour la biodiversité » indique Benoit Fontaine.
Pour intégrer ce vaste réseau de citoyens européens de surveillance des papillons, rien de plus simple ! Selon vos compétences, vous pouvez rejoindre un des deux observatoires papillons de Vigie-Nature :
- l’Observatoire des Papillons des Jardins, ouvert à tous les curieux de nature, par ici ;
- le Suivi des papillons de jour, le STERF, destiné aux naturalistes avertis, par là.
Comptez les papillons, les papillons comptent sur vous !