RETOUR SUR LE « SALON » INTERNATIONAL DES LÉPIDOPTÉRISTES
Début avril, avait lieu le 7ème symposium international de l'écologie et de la conservation des papillons. Benoit Fontaine, notre spécialiste à Vigie-Nature ainsi que Reto Schmucki, chercheur au laboratoire CESCO y étaient !
L'Observatoire des Papillons des Jardins au Japon
Dans la communauté des lépidoptéristes, ces rencontres permettent non seulement de s'informer des recherches et travaux de collègues situés parfois à l'autre bout du monde mais aussi de faire des rencontres surprenantes. Ainsi, Benoit a-t-il fait la connaissance de Yasuhiro Nakamura, un chercheur japonais ayant importé le protocole de l'Observatoire des Papillons des Jardins au Japon ! Après une année pilote, les japonais ont lancé leur opération cette année (voir ici mais c'est en japonais). Voilà un bel exemple d'exportation du savoir-faire français dans le suivi de la biodiversité !
Peut mieux faire
Parmi les 89 présentations, nombreuses évoquaient le rôle du changement climatique dans la biologie, l'écologie des papillons. Comme une équipe du Danemark qui étudie les relations entre les papillons et leurs ressources florales au Groenland. D'autres suivent les communautés des lépidoptères dans les paysages agricoles. « Cela peut vite devenir déprimant ce genre de colloque » m'a raconté Benoit. « Certaines espèces sont en chute libre avec des effectifs qui ont baissé de moitié. Heureusement qu'il y a des lueurs d'espoir ».
Le papillon qui défie le changement climatique
Une des étincelles est venue d'une chercheuse renommée : Camille Parmesan. L'Euphydryas editha quino - Quino Checkerspot, en anglais -, qui semblait voué à l'extinction dans les banlieues de Los Angeles et de San Diego en Californie, a ainsi trouvé refuge dans les montagnes proches des deux villes tentaculaires. Et plus surprenant encore : elle s'est trouvée une nouvelle plante hôte, que les larves n'avaient jamais dévoré auparavant ! Quelques espèces sont donc capables de s'en sortir si elles ont la possibilité de pouvoir migrer en des lieux « accueillants ». Parfois, c'est grâce aux humains qu'elles s'en sortent, comme dans le cas du semi-apollon (Parnassius mnemosyne) en Finlande. Une équipe finlandaise a réussit la « migration assistée » de 20 femelles « en gestation » à Porvoo en 2000. Onze ans plus tard, c'est 1000 papillons que les chercheurs comptabilisaient mais il aura fallu sept ans pour qu'ils s'implantent à 200 mètres du lieu du lâcher initial....
Du local au global
Reto, lui, avait un autre regard sur ce symposium puisqu'il n'est pas un spécialiste des papillons mais des données. « Nous n'étions que quelques-un dans ce cas sur plus de 280 participants ». Reto travaille en effet sur le projet LOLA ou Comment les processus locaux expliquent la réponse des papillons aux changements globaux. « C'est important de rencontrer et d'échanger avec les spécialistes pour comprendre les subtilités des données récoltées par des passionnés. C'est une partie que je considère essentielle dans l'analyse des données. C'est ce qui nous permet d'extraire des tendances générales à l'échelle de l'Europe tout en gardant le plus de réalisme possible.» Or bien que les protocoles de suivi des papillons se ressemblent, ils présentent des particularités nationales qui peuvent entrainer de véritable défis pour les statisticiens....
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Larve de papillon Monarque © Derek Ramsey | Wikimedia
Des prisonniers, éleveurs de papillons
Enfin, dans la catégorie « sciences participatives », David James de Washington State University a étonné par son audace. Le chercheur a proposé à 40 prisonniers du pénitencier Walla Wallla d'élever des larves de papillons Monarque afin de les marquer et de les relâcher dans la nature ! Les papillons à l'ouest des États-Unis sont en effet moins nombreux qu'à l'est et personne ne sait vraiment où ces papillons hivernent. L'idée était donc de les marquer afin de les identifier sur leur route de migration. Les larves des papillons Monarque sont cependant extrêmement sensibles au manque d'hygiène (seul 2 % des larves survivent dans la nature). Or, les prisonniers, certains emprisonnés à vie pour meurtres, ont obtenu des taux de survie de 80 à 90 % ! David James a même dû les convaincre que « marquer » les papillons ne leur ferait aucun mal.... 2600 papillons ont été relâchés en 2012 et 2000 en 2013. « Observer la métamorphose d'un papillon nous montre ce que nous essayons de faire aussi : changer et devenir quelque chose d'autre, de meilleur » a témoigné un prisonnier. D'autres info en anglais là.
Et puis un bonus de Benoit, qui n'a rien à voir avec les papillons, mais qui vous fera voyager dans le Serengeti en Afrique : un programme participatif d'analyse de photo (en anglais).
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Lisa Garnier, le lundi 28 avril 2014