Dans le cadre d'une série de chroniques sur l'acoustique au Muséum dans l'émission Le temps d'un bivouac sur France Inter, j'ai eu l'occasion de parler du STOC, notre suivi temporel des oiseaux communs. Cette fois, en Guyane. Voici le texte et les sons diffusés à l'antenne.
Vous pouvez réecouter la chronique ICI (le player est dans la page de l'émission). Rendez-vous une fois par semaine autour de 16h40 sur France Inter (lundi, mardi ou mercredi)
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Ça sent la forêt amazonienne !
Evidemment, Ce qu’on entend là, c’est là signature sonore de la forêt amazonienne. Il s’agît plus précisément du paypayo, un petit oiseau emblématique de cette région.
Selon l’ornithologue Olivier Classens, dès qu’on pénètre dans la forêt en pyrogue, il donne l’alerte générale. D’où ce surnom : « la sentinelle de la forêt ».
Alors si cet ornithologue se rend dans la forêt c’est pour se livrer à une activité un peu spéciale : le comptage d’oiseaux… à l’oreille
Oui, Olivier coordonne un programme du Muséum d’Histoire Naturelle : le Suivi Temporel des Oiseaux Communs, le STOC. L’idée c’est de demander à des bénévoles de se rendre tous les ans sur le terrain, à la même période et au même endroit pour compter les oiseaux. Grâce à ces données on peut voir comment évoluent année après année les populations dans toute la Guyane.
Comment ça compter les oiseaux ?
Le protocole est simple : on choisit un petit parcours. En Guyane c’est très souvent en forêt. Et puis sur 10 points différents on va identifier et compter, à chaque fois pendant 5 minutes, tous les oiseaux qui nous entoure. Vous imaginez bien qu’avec une végétation aussi dense, des arbres de 50m de haut, difficile de voir quoi que ce soit. Du coup, on tend l’oreille...
Ah, un promeneur qui sifflote ?
Non, ce n’est pas un collègue qui se promène en sifflotant, ou qui urine nonchalamment dernière un arbre… Ce beau chant provient du troglodite musicien - qui porte bien son nom. Il est plus coloré et un peu plus gros que le troglodyte mignon, vous savez, celui qu’on retrouve en métropole.
Donc là, on note : 1 troglodite musicien sur son carnet. Fastoch ?
Oui enfin j’imagine qu’il faut un peu d’entrainement pour reconnaître les espèces à l’oreille ..
Certes. Cela nécessite un peu d’entraînement, d’autant que la forêt abrite près de 500 espèces et autant de chants différents
Olivier propose donc des petites formations à la reconnaissance. Au bout de 2-3 ans, on arrive à démasquer une cinquantaine de chanteurs. Et pour la plupart des virtuoses.
Enfin, ce n'est pas toujours du Mozart…
La coracine chauve
On dirait un mélange de chacal et de tronçonneuse !
Oui selon Olivier, en pleine forêt c’est assez effrayant : on a l’impression d’être en compagnie d’un félin…
Alors qu’on a affaire à une coracine chauve, un oiseau au physique étrange disons-le. Une tête dénudée, une peau bleu-gris, et des plumes brunes. Entre le vautour et corbeaux. Mais doté d’une des voix les plus extraordinaires de toute l’Amazonie…
Bon, là ça va on entend une espèce à la fois, mais j’imagine que parfois ça doit être la cacophonie...
En fait pas vraiment parce que chaque espèce occupe un espace sonore particulier, une fréquence, un moment de la journée. Mais parfois, en effet…
Une ronde
On assiste là à un phénomène fascinant : une ronde de petits passereaux
Une ronde c’est une bande d’oiseaux d’espèces différentes qui passent toute leur vie ensemble, 24h/24.
L’objectif c’est de s’associer pour défendre un territoire mais aussi pour trouver à manger.
Et alors ça braille ! Imaginez pour compter tout ça…
Le batara cendré
Ah attention on arrête de rigoler ! Voici le chef de la ronde : le batara cendré, qui sonne la fin de la récréation - tout le monde doit se regrouper autour de lui.
Que se passe-t-il ?
Souvent ce cri de rassemblement annonce un danger. L’approche d’une ronde rivale par exemple. C’est bien organisé : pendant que les autres espèces cherchent de la nourriture, le batara, lui, surveille les alentours et assure la protection du groupe.
Mais il lui arrive aussi de ne pas être très honnête, et d’abuser de son pouvoir.. Vous savez ce qu’il fait le batara ? Il clame de fausses alerte pour effrayer les membres de sa ronde et chiper leur repas… On parle de kleptoparasitisme. C’est pas glorieux…
Le batara cendré donc, chef de la forêt…
A quoi servent les données envoyées par les bénévoles dans le cadre du stoc ?
L’abondance des oiseaux est un bon indicateur de l’état de santé d’un milieu. On voit que la déforestation, l’orpaillage clandestin, l’agriculture intensive a un impact négatif sur la présence d’oiseaux, donc probablement sur la biodiversité. Cela permet aussi de mesurer l’efficacité des actions de conservation.
Si vous voulez aussi aider les chercheurs en comptant les oiseaux allez vous renseigner sur le site Vigie-Nature.fr, rubrique STOC. Un observatoire qui existe aussi en métropole, avec d’autres oiseaux évidemment…