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Retour sur une journée d'inventaire de la Flore en Île-de-France

Sciences participatives

 

Entre les cultures de blé, de maïs et une forêt de feuillus, nous avons suivi Gabrielle Martin dans le Val d'Oise, pour procéder à quelques relevés de flore sauvage dans le cadre du programme Vigie-Flore.

 

Vigie-Flore © Hugo Struna

Gabrielle Martin prend le temps d’inspecter une feuille pour déterminer l'espèce

« C’est ici ! » Après cent pas sur le chemin qui borde le champ de blé et une avancée de cinq mètres dans la culture, Gabrielle nous indique la zone d’échantillonnage. Nous déroulons un mètre de manière à délimiter un rectangle de cinq mètres sur deux. La recherche peut alors commencer : penchés, la tête entre les épis, nous balayons du regard ce sol aride et visiblement hostile. « Les plantes dites messicoles qui se développent dans ce type de monoculture sont rares, prévient Gabrielle. En cause : la densité du blé qui accapare les ressources, le manque de lumière sous ses hautes tiges, mais surtout la présence d’herbicides qui empêche les « adventices » d’émerger. Seules quelques espèces au cycle de vie très court – adapté aux moissons -  et non ciblé par les herbicides ont une chance de sortir de terre. De fait, pour cette première placette, nous ne cocherons sur la fiche de comptage que six herbacées très communes, comme le Ray-grass anglais ou le Plantain lancéolé. « En culture biologique en Île-de-France, dans une placette comme celle-ci, on peut atteindre une vingtaine d’espèces différentes » précise la botaniste.

Cela fait 8 ans que Gabrielle Martin, en charge du programme Vigie-Flore, se rend chaque année aux quatre coins de la région parisienne pour échantillonner la flore sauvage. Elle y mène un suivi au long cour avec près de 400 amateurs et professionnels dans toute la France. Le protocole Vigie-Flore consiste d'abord à choisir une "maille" d’un kilomètre carré parmi toutes celles qui ont été définies de façon systématique pour obtenir un échantillonnage représentatif de la flore sauvage en France. A l’intérieur de chaque maille, les coordonnées géographiques de huit placettes (soit un rectangle de 10 mètres carrés) sont précisées, distantes les unes des autres d’environ 250 mètres. C’est à l’intérieur de ces placettes qu’il faut identifier, à raison d’une fois par an entre avril et août selon la localisation de la maille, toutes les plantes qui y poussent. De manière la plus exhaustive possible. Ce jour-là, nous accompagnons la botaniste dans le Val d’Oise pour échantillonner deux mailles, soit 16 placettes. Celles-ci se situent dans des milieux variés. Après les monocultures blé, de maïs et de betteraves sucrières, nous quittons ces déserts écologiques pour une lisière de forêt de feuillus. Changement de cadre et d’ambiance. A travers les ronces et aux pieds des petits arbustes, un méli-mélo de végétation prend racine. Les Poacées partagent le territoire avec des plantes vivaces, certaines rampantes, des arbres également. Dès le premier mètre carré, nous franchissons le cap des huit espèces : origans, fusains et campanules raiponce, ormes, chênes, ronces… « Ce qui est intéressant, c’est qu’on a un cortège d’espèces plus diversifié qu’en sous-bois, avec des arbres et beaucoup d’herbacées… tout cela s’entremêle ! »

Vigie-Flore © Hugo Struna

Les plantes dites messicoles qui se développent dans ce type de monoculture sont rares

Si le protocole est accessible aux amateurs, l’identification requiert tout de même un minimum de connaissances. Même Gabrielle, qui n’est plus une jeune pousse en la matière, prend le temps d’inspecter une feuille à la loupe ou de vérifier une information dans sa « flore », véritable bible de la botanique. « Il y a beaucoup d’individus au stade plantule, ce qui ne facilite pas la tâche, reconnaît-elle. Nous n’avons parfois qu’une petite feuille de quelques centimètres pour déterminer l’espèce, et les caractères morphologiques ne sont pas toujours bien marqués… » Une méthode pour évacuer le doute consiste à chercher des congénères plus développés poussant à proximité, la redondance des espèces étant quasi systématique.

Lierre et lierre, géranium et géranium

Sur chacune des placettes, Gabrielle égraine quantité d’informations et d’anecdotes croustillantes. Et gare aux confusions ! Un « lierre terrestre » dans le sous-bois ?  Rien à voir avec le lierre grimpant, qui fait partie d’une autre famille : le premier appartient aux Lamiacées (comme la menthe), le second aux Araliacées. Un géranium ? C’est le géranium Herbe à Robert, le géranium sauvage à ne pas confondre avec les Pélargonium de nos balcons, exotiques et purement ornementaux. Et ce pseudo-chardon imposant ? Un cabaret des oiseaux. Cette plante aux longues tiges verticales se termine par une fleur conique, qui prendra une coloration violette dans quelques semaines. « Son nom provient du fait que les oiseaux viennent s’abreuver et manger au sein des entonnoirs formés par les feuilles embrassant la tige , explique Gabrielle. Les insectes font la même chose, certaines espèces passent aussi l’hiver dans les tiges creuses. » Les ronces ? On en distingue deux espèces dans nos contrées (selon les auteurs des flores, parfois plus) : la Ronce commune et la Ronce bleue. Cette dernière donne moins de mûres et d’une couleur qui tire vers le bleu. Une fois au cœur de la forêt, le cortège d’espèces est plus homogène. La diversité toujours aussi impressionnante. Gabrielle se veut rassurante devant l’ampleur apparente du travail à fournir alors que l’après-midi est déjà bien avancé : « En forêt les végétaux sont souvent présents à des stades de croissance plus avancés que dans les champs, c'est l'avantage. » A contrario dans certains espaces verts urbains, où fauches et tontes sont fréquentes, l'échantillonnage peut s'avérer bien plus ardu !

Vigie-Flore © Hugo Struna

Une fois au cœur de la forêt, le cortège d’espèces est plus homogène. La diversité toujours aussi impressionnante.

Après plus de dix ans de suivis, les données Vigie-Flore commencent à parler. L’article de Gabrielle Martin publié l’année dernière a fait date. Elle y montre que le réchauffement climatique modifie la composition des communautés végétales et favorise des espèces tolérantes aux températures élevées au détriment de celles préférant les températures basses. Ceci entraînant un changement progressif des communautés florales françaises. D’autres travaux sont en cours, notamment sur les cortèges agricoles, en lien avec l’usages de pesticides. Les récents résultats prouvent la fiabilité du travail des bénévoles qui, comme Gabrielle, partent chaque année sur le terrain pour y extraire de précieuses informations sur l’évolution de la flore. Au moment d’arriver sur l’ultime placette de la journée, nous nous retrouvons face à une station d’orties plus hautes que nous. Après vérification, la placette se trouve bien à l'intérieur... Qu’à cela ne tienne, Gabrielle s’engouffre dans la végétation et entame son dernier relevé floristique en nous annonçant ses déterminations à voix haute. Une régularité sans faille qui fait la force de ces suivis. 

 

Participez à Vigie-Flore 
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