Depuis un peu plus d’an maintenant l’équipe de Vigie-Nature École s’est lancée dans une nouvelle aventure, celle du dessin scientifique. En ce mois de novembre, des animations mêlant le protocole ALAMER et le dessin scientifique ont été proposées aux scolaires.
C’est à la station marine de Concarneau que l’évènement a pris place. Idéalement située puisqu’on y trouve des plages à deux pas et que c’est ici que sont nés les protocoles de science participative proposés par Plages Vivantes.
Pauline Poisson, animatrice du programme, ainsi que toute l’équipe de Vigie-Nature École sont réunies pour l’évènement : Vincent Chassany et Simon Bénateau, coordinateur et coordinateur adjoint, Jérôme Micucci, développeur, et Jeanne Buffet, illustratrice scientifique en charge du développement du dessin au sein de Vigie-Nature École.
Un appel aux écoles de la région a été lancé et, sur les 3 jours de l’évènement, environ 70 élèves du CE2 à la 6ème de Pont Aven, Fouesnant et Trégunc ont été accueillis. Chaque classe a participé à une session de terrain et de dessin.
Ainsi, la semaine dernière, les habitants de Concarneau ont observé de curieux regroupements sur une plage de leur ville. Une ribambelle d’enfants en petits groupes tout autour d’une ligne… Un jeu ? que nenni, de la science !
Sur la plage, la laisse de mer
Dès leur arrivée, les enfants enfilent leurs bottes et nous partons en direction de la plage, à deux minutes à pied de la station marine. Là, Pauline leur présente la laisse de mer, c’est à dire ce que la mer laisse sur la plage (en majorité des algues qui se sont décrochées des fonds marins, mais aussi des débris d’animaux), et son rôle fondamental pour le littoral : habitat pour certaines espèces, sources de nourritures pour d’autres, source d’engrais pour la végétation de haut de plage… On y trouve aussi des déchets en plastique notamment, cela n’échappe pas à la vigilance des enfants qui scrutent le sable.
Le protocole ALAMER est abordé sous forme de questions : Pourquoi étudier la laisse de mer ? Pour mieux connaitre cet écosystème. Comment ? En répertoriant les différentes espèces d’algues et de plantes marines et en notant leur quantité. Pourquoi va-t-on faire des quadrats (zones d’étude matérialisées par des carrés) ? « Parce qu’on ne peut pas faire ça sur toute la plage » répond un élève, et c’est la bonne réponse ! On déroule le mètre pour faire un transect (zone d’étude générale matérialisée par une ligne), et puis les quadrats autours desquels des petits groupes d’élèves se constituent.
Les choses sérieuses commencent ! D’abord il faut trier les algues et plantes marines selon leur couleur et leur forme, et puis regarder attentivement les critères qui permettent de reconnaitre les espèces, à l’aide de la clé d’identification. « Y a-t-il des flotteurs ? » s’exclament certains, « regarde la lame » conseillent d’autres apprentis naturalistes qui auscultent attentivement les algues. Car la tâche recèle quelques pièges, par exemple, une algue à l’allure verdâtre a plus de chance d’être une algue brune ou rouge que verte : le pigment de ces dernières est la chlorophylle tandis que les brunes et rouges en ont d’autres. Aussi, elles sont vraiment vertes, comme la laitue de mer. Entre celle-ci, le steak de mer, et autres haricot ou spaghetti de mer, les noms vernaculaires des algues sont assez suggestifs, mais c’est l’algue saucisson qui reçoit la palme de l’enthousiasme. Parce que c’est rigolo de dire saucisson et parce qu’elle a des petits boudins très mignons. D’autres se voient réattribuer des noms originaux : par exemple, le fucus denté devient… « le fucus dentiste » un nouveau nom qui s'accompagne d’un grand éclat de rire.
Une fois les fiches de terrain remplies, nous retournons à la station marine pour un petit goûter avant de passer à l’autre activité : le dessin scientifique.
Pourquoi le dessin scientifique ?
Si le dessin scientifique vous évoque quelque chose de rébarbatif, plongez-vous donc dans les illustrations naturalistes ! Parmi les artistes connus comme Pierre Joseph Redouté, Jean-Jacques Audubon, Joseph Wolf et Louis Agassiz Fuertes, il y a Anna Maria Sybilla Merian. Née en 1647, la jeune femme passionnée par les insectes et leurs métamorphoses dessine faune et flore tout autant qu’elle les étudie, et est devenue une grande figure de la science naturelle de son époque. Une époque à laquelle la photographie n’existait pas, le dessin étant la principale manière de documenter visuellement le vivant, de montrer les espèces et leurs différences, de représenter les milieux de vie…
Et aujourd’hui, alors qu’il y a la photographie, pourquoi faire du dessin naturaliste ?
Alors qu’une photo est soumise à une valeur de plan et une lumière particulière, qu’elle capture un individu singulier avec toutes ses particularités, le dessin reste le moyen de représenter « idéalement » une espèce. La lumière, la position, les détails sont aux mains de l’artiste ! C’est avec cette introduction, à laquelle elle ajoute des conseils techniques, que Jeanne introduit la séance.
Les élèves rejoignent les tables tandis que l’équipe amènent des algues dans des bacs en eau. Premières impressions : « j’adore cette algue ! », « ah ça bouge » alors que quelques gammares ou idotées cachées dans les algues et dérangées par le mouvement s’agitent dans les bacs. Chaque élève choisit l’algue qu’il va représenter et commence par tracer la forme générale avant de s’attaquer aux détails. Tandis que l’une hésite sur l’algue à dessiner, un « spécialiste du dessin, mais surtout des monstres » s’est déjà lancé.
Les crayons de couleurs sont sortis, et toutes les nuances de brun, de vert et de rouge apparaissent sur les feuilles. La touche finale vient avec la mention de l’échelle, des légendes et l’identification de l’algue pour lui mettre un nom. Qui peut éventuellement présenter des fantaisies orthographiques, comme le « haricot de mère ».
Pour le final, comme pour boucler la boucle et remettre à sa place ce qui a été déplacé, les algues dessinées sont posées sur une table pour reconstituer un paysage marin avec la mise en commun de tous les dessins. Toujours tout en questionnement pour faire lien entre les êtres et leur environnement : « Et que manque-t-il à notre paysage ? » « Les poissons », « l’eau », « le sable », « les crabes »…
Au-delà de jolis souvenirs qui restent de ces journées, sans nul doute, les dessins font traces. En s’attardant à observer leur modèle, en leur donnant forme sur les feuilles, les enfants ont assimilé des critères d’identification, des noms, des éléments pour reconnaitre les différentes espèces.
Les retours des encadrantes font état de l’enthousiasme général !
Et du côté de l’équipe ?
Le mot de Pauline :
« Coupler le protocole ALAMER avec le dessin des espèces rencontrées sur le terrain, était quelque chose que l’on avait déjà proposé aux classes participantes, mais d’une façon assez ouverte et non guidée. Cet événement a permis de réfléchir collectivement pour construire, tester et affiner une proposition d’animation mêlant les deux activités, pour qu’à termes elle puisse éventuellement être structurée et proposée à d’autres classes. Pour avoir l’habitude d’encadrer des élèves sur la mise en œuvre du protocole, ce couplage avec l’activité de dessin scientifique m’a semblé très pertinent et complémentaire, dans le sens où certains élèves qui me semblaient moins à l’aise sur l’identification (notamment car il peut y avoir de nombreuses espèces dans le quadrats et que le temps reste limité sur le terrain), ont pu prendre le temps d’observer une espèce dans les moindre détails et de se familiariser avec l’observation des critères d’identification, même les plus petits. La conservation de la nature passe selon moi par l’émerveillement et au vu de l’enthousiasme des élèves durant ces journées, cet événement en est un bel exemple. »
Le mot de Jeanne :
« Cet évènement m’a permis, dans une même séance, de faire avec chaque classe l’enchainement du terrain et du dessin scientifique. C’est quelque chose qu’on n’a pas souvent l’occasion d’expérimenter, et ces conditions étaient idéales. En voyant les réactions des élèves, je pense que l’atelier leur a plu, et qu’ils en ont tiré quelque chose de positif, ce qui est très motivant pour la suite ! »
Le mot de Simon :
« Apprendre à reconnaître les espèces, c’est toujours compliqué au début. Les spécialistes voient des choses que l’on ne voit pas, utilisent des mots que l’on connaît dans des contextes un peu différents. Avec les algues c’est la même chose, les algues rouges ne sont pas toutes rouges par exemple. Le dessin permet une observation très fine des espèces et rend l’appropriation de ce vocabulaire plus simple. Le passage par le dessin force à se demander si ce que l’on se représente dans notre tête ressemble précisément à l’espèce que l’on observe. Voir les enfants expérimenter ces étapes d’apprentissage était vraiment très enthousiasmant. Ce protocole est réellement incroyable car on peut voir des transformations extrêmement rapides des enfants. Les débuts sont parfois un peu timides, les élèves trouvent les algues un peu « dégueu » selon leurs termes puis quelques minutes plus tard ils trient des poignées entières d’algues et vérifient si les structures qu’ils observent sont bien des flotteurs en découpant celles-ci. Cet évènement comme chaque intervention auprès des élèves a été une belle occasion d’observer la pertinence des approches que nous proposons. Les interactions avec les enseignantes et les élèves ont été particulièrement agréables et nous serviront lors de nos formations et développement futurs. »
Le mot de Vincent :
« C’est toujours un bonheur d’intervenir avec des classes, de tester la faisabilité de nos protocoles et des outils que nous concevons. Nous avons été gâtés : les élèves étaient enthousiastes et très actifs sur le terrain. Ils se sont particulièrement bien débrouillés avec la clé de détermination et leurs dessins m’ont impressionné par leur précision. Je pense qu’ils.elles ont été particulièrement étonné.e.s par la beauté et la diversité des algues : tisser des liens avec les vivants non humains est si important dans notre monde ! »
HD.
Vigie-Nature École bénéficie du mécénat de la Fondation d’entreprise Hermès.