Back to top
bandeau.jpg

« Toutes les formes de vie qu'il peut y avoir dans l'eau, c’est incroyable »

Sciences participatives

Je m'appelle Pauline… Poisson, voilà, c'est drôle ! C’est avec cette première phrase que Pauline Poisson, animatrice de Plages vivantes, entame sa présentation lors de l’interview. Humour et sourire sont au rendez-vous, mais avant tout, la passion pour la biodiversité marine.

Pauline est arrivée à la station marine de Concarneau il y a un presque 7 ans, alors que le programme Plages Vivantes et son premier volet ALAMER voyaient le jour : « il y avait déjà eu une première phase de développement et de test, je suis arrivée pour lancer le programme, développer les outils de participation, et voir si le protocole était adapté aux publics que l'on ciblait, d’abord les scolaires et puis tous les publics. On l'a testé presque deux ans à l'échelle de la Bretagne et on l’a déployé à l’échelle nationale au printemps 2019 ».

Mais qu’est-ce que le protocole ALAMER ? Un suivi des algues et plantes marines qui sont laissées sur les plages par la mer. Pourquoi ? Pour répondre à des questions ! Par exemple, dans quelle mesure les espèces d’algues de la laisse de mer sont-elles différentes d’une plage à l’autre ou au cours des saisons ? Ou encore, reflètent-elles la composition en algues des habitats marins à proximité ? Les premiers résultats laissent penser que oui… Tout cela vous intéresse ? Rendez-vous sur cette page.

portrait Pauline

Pauline Poisson © Camille Crosnier

 

Quelles sont tes missions ?

Mon rôle, c'est de développer et d'animer la communauté de participant.es en communiquant sur le protocole, en développant les outils de participation, en accompagnant les participant.es dans la mise en œuvre du protocole. Cela passe par exemple, par des formations auprès des participant.es directement ou des structures relais qui proposent le protocole à leur public sur leur territoire : Esprit Nat’ure, Litt’Obs, l'association Viv’Armor Nature, Bretagne Vivante, le CPIE Littoral Basque… Il y a plein de structures formées. Je participe à la bancarisation des données et aux restitutions, c’est-à-dire les avancées et résultats obtenus auprès des participants, sous forme de séminaires. J’aime transmettre les savoirs sur la biodiversité marine auprès des publics, aussi bien auprès des personnes relais qui sont dans des structures associatives que directement auprès des participant.es. Parce que je sens que si j'arrive à les émerveiller un petit peu, autant que moi je peux l'être, et bien c'est gagné, on va pouvoir faire changer les choses, dans le bon sens, porter collectivement un message favorable pour la biodiversité marine et agir en ce sens.

Je fais beaucoup de terrain pour collecter des données. J’ai la chance de pouvoir parcourir l’ensemble du littoral de Dunkerque jusqu’à Hendaye et de voir la diversité des littoraux en termes de biodiversité. On voit vraiment des différences entre le nord et le sud. Je collecte des données au-delà de la liste d’espèces de l’Observatoire participatif. Ces données là nous ont servi pour valider le protocole proposé, calibrer une liste d’espèces qui permette de répondre aux questions scientifiques. Elles nous servent à faire des analyses plus spécifiques. Parce que Plages Vivante, c'est effectivement un observatoire participatif mais c'est aussi un programme de recherche, à la fois en Écologie-Sciences de la conservation et en Humanités environnementales.

 

Comment en es-tu arrivée là ? 

J'ai toujours aimé la nature et vivant près de la côte, j'ai été amenée à m'intéresser au milieu marin. Voir la marée monter et descendre et laisser apparaître une multitude de petites bêtes aux formes, aux couleurs, aux modes de vie dont je pouvais à peine soupçonner l’existence, m'a toujours un peu fascinée. En grandissant je savais que je voulais travailler dans le domaine de la biologie, sauver les espèces d'une façon ou d'une autre. J’ai étudié la biologie des espèces, marines et terrestres, et au fur et à mesure, je me suis orientée vers la branche marine qui titillait de plus en plus ma curiosité... Parce qu’on en parle mais on n’imagine pas toute la diversité qu'il y a sous la surface des océans. Et puis, comment est-ce qu'on peut l'observer, l’étudier, la préserver malgré sa relative inaccessibilité ? Voilà, j'avais à cœur de partir dans cette voie et j'ai donc obtenu un master en fonctionnement et gestion des écosystèmes marins. 

Quand j’ai fini mes études j'ai découvert le monde associatif dans lequel j’ai rencontré des personnes tout aussi intéressées que moi par les questions de biodiversité marine, des gens passionnés, passionnants, qui m’ont permis d'apprendre énormément sur la biodiversité et de faire du terrain dans des endroits hyper chouettes, en mer, sur des îles… et de rencontrer des espèces qu'on n’a pas forcément l'habitude de voir. Le requin taupe commun (Lamna nasus) par exemple. C'est assez merveilleux de pouvoir croiser ces espèces là qu'on imagine très méchantes et qui en fait sont surtout très menacées. Je me suis impliquée dans deux associations locales, Bretagne Vivante et l'APECS, l'association pour l'étude et la conservation des sélaciens (ancien nom regroupant les requins et les raies, aujourd’hui appelés élasmobranches). J'ai pu embarquer sur des campagnes océanographiques au large, passer deux semaines en mer à observer et maniper sur plein d'espèces différentes : des raies, des requins, mais pas que, des poissons, des céphalopodes, du benthos

lamna-nasus_requin-taupe-commun_c_florian-bonnaire.jpg

Requin taupe commun (Lamna nasus) © Florian Bonnaire

Ce sont des petits mondes, on est régulièrement amené à se croiser dans la sphère professionnelle et c'est chouette de travailler tous ensemble. Ce qui me touche particulièrement, c'est que l’on soit tous investis pour préserver cet écosystème marin qui est incroyable, qui est riche et c'est toujours fait dans une bonne ambiance.

 

Peux-tu nous partager quelques rencontres avec des espèces ?

Mon premier poste m’a amené à travailler sur la thématique des champs de blocs. Ces habitats accessibles à marée basse, sont constitués de blocs rocheux, autrement dit de « gros cailloux », qu’il est possible de manipuler et retourner pour accéder notamment à des crustacés (étrilles, tourteaux, crevettes, …) ou des mollusques (ormeaux) dont les pêcheurs à pied sont particulièrement friands ! Au-delà des espèces d’intérêt commercial, il y a là-dessous une biodiversité folle, un nombre d'individus au centimètre carré qui est impressionnant, aussi bien des vers que des crustacés que des gastéropodes, que des organismes moins connus, dits « coloniaux » et formants une « croûte » à la surface des roches (des éponges, des ascidies, des bryozoaires, …). Et un groupe d’organismes qui m'a le plus marqué, est celui des nudibranches. Je crois que le premier que j'ai rencontré, c'est le citron de mer (Doris pseudoargus). Quand tu retournes ton caillou, les nudibranches sont hors de l'eau, un peu affaissés et flasques, mais il suffit de les remettre quelques secondes dans l'eau pour qu'ils déploient leur rhinophores, deux organes sensoriels situés à l’avant de l’animal qui ressemblent à des oreilles de lapin, et leurs branchies externes, qui sont à l'arrière du corps. Ça fait tout un panache, c'est vraiment un animal un peu magique et gracieux qui en général présente plein de couleurs. Les nudibranches, c'est l'exemple parfait d’organismes très colorés qu'on retrouve sur nos côtes et qui a un capital sympathie énorme avec sa petite tête de lapin.

bloc et nudibranches.png

Pour la balade parmi les photos prises par Pauline, en haut à gauche vous pourrez apprécier le dessous d'un bloc mobile recouvert de faune coloniale et encroutante. En haut à droite, découvrez le Citron de mer (Doris pseudoargus), et deux autres nudibranches en bas : à gauche il s'agit de Doris cantabrique (Felimare cantabrica) et en bas à droite Doris de Krohn (Felimare krohni

Une espèce que je n’ai jamais vue, mais j'aimerais beaucoup la voir, c’est le requin pèlerin (Cetorhinus maximus). Il peut faire jusqu’à 12 mètres de long, et pourtant il ne se nourrit que de zooplancton, principalement des copépodes qui font moins d'un millimètre. Avec sa bouche gigantesque, il filtre l'eau grâce aux petits peignes qu'il a au niveau des branchies. Il est suivi historiquement par l'APECS et il est de moins en moins vu sur nos côtés ces dernières années. On cherche à comprendre à quoi est due cette diminution des observations. C'est quand même le deuxième requin le plus grand des océans au monde après le requin baleine. Et se dire qu'il y a cet organisme qui vient se nourrir sur nos côtes au printemps… J’espère avoir la chance de le rencontrer enfin, pour le moment ça reste un petit rêve.

cetorhinus-maximus_requin-pelerin-fanch-c_yoluene-massey-apecs-.jpg

 Requin pèlerin (Cetorhinus maximus) © Yoluene Massey - APECS

Dernièrement je suis tombée sur une algue, une cystoseire bleue (Ericaria selaginoides). Les cystoseires au sens large (Cystoseira sensu lato), sont des algues brunes cylindriques avec des petits flotteurs dans les rameaux, mais celle-ci porte bien son nom : hors de l'eau, elle est brune… Mais plongée dans l'eau, elle a une iridescence bleue, vert, un petit peu mauve qui est absolument incroyable et un peu magique. Il y a peu de gens qui regardent les algues mais quand on s'y intéresse, on peut vraiment s'émerveiller. Et même après 7 ans à faire du terrain, je tombe encore sur des espèces que je n'avais pas observées avant, on ne se lasse pas quoi ! Enfin je continue toujours parce qu’un jour je tomberai sur une espèce que je n’aurais pas encore vue, qui va m’émerveiller, me questionner, me faire me creuser les méninges pour comprendre pourquoi est-ce qu'elle est là et qu'est-ce que ça veut dire ?

Ericaria-selaginoides (c) Pauline Poisson.png

Ericaria selaginoides : brune hors de l'eau (à gauche), et iridescente dans l'eau (à droite) © Pauline POISSON - MNHN

Hier soir (l’entretien a eu lieu début novembre, ndlr), il y a eu un truc de dingue, un bloom phytoplanctonique bioluminescent, autrement dit une concentration importante d’algues microscopiques produisant de la lumière. Ici à la station, il y a un programme de sciences participatives, Phenomer, qui fait appel aux citoyens pour détecter la présence d’eaux colorées caractéristiques de ces blooms : il y avait pas mal de signalements sur une plage. L’équipe de l’Ifremer qui coordonne le programme est partie faire un prélèvement pour déterminer quelle espèce en était à l’origine, et en fait, de jour, les eaux étaient colorées en orange, sur toute la plage. C’était Noctiluca scintillans, une espèce connue pour produire de la bioluminescence. La concentration était assez impressionnante, parce que ce n’est pas tous les jours qu’on peut le voir à l'œil nu. Des collègues y sont retournés le soir, c’était magique : des flashs lumineux bleus aussi bien dans les rouleaux des vagues que sur le sable, en marchant sur la plage. C’est un peu la petite Aurore boréale de la mer ! J’irai faire un tour ce soir…

noctiluca-scintillans_c_aouregan-terre-ifremer.jpg

Le bloom phytoplanctonique (Noctiluca scintillans) vu le jour © Aouregan TERRE - Ifremer

bloom Fouesnant (c) Kevin Barre.jpg

Le bloom, ce soir là, sur la plage de Cap Coz (commune de Fouesnant) - © Kévin Barré

 

HD

Vous aimerez aussi

Sciences participatives
chauves-souris © daniel_spiess
10 Avril 2025

Des chauves-souris dans les espaces agricoles

Sciences participatives
claude_monet_vetheuil.jpg
3 Avril 2025

Quand le monde s’efface

Sciences participatives
algue - hypoglossum
13 Mars 2025

À la découverte des algues

Sciences participatives
Laridés en vol nocturne.jpg
10 Mars 2025

Les voyageurs nocturnes

Fond de carte