C’est sous un beau soleil de mi-novembre que se sont déroulées les rencontres nationales du programme Vigie-flore, au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris. Une cinquantaine de passionné.es de botanique, de nouveaux et nouvelles venues dans l’aventure, de scientifiques ont ainsi pu partager un moment d’échanges privilégiés au cœur du Jardin des Plantes. A l’ordre du jour : Animation du programme, résultats scientifiques, questionnements sur le protocole et bien d’autres découvertes…
Il n’est pas encore 9h30 que l’amphithéâtre Rouelle est déjà bien rempli par les participant.es qui viennent des quatre coins de la France. Après un petit déjeuner, l’équipe organisatrice et les membres impliqués dans le programme Vigie-flore se présentent ; Vanessa Lainé, coordinatrice et animatrice du programme au sein de l’association Tela Botanica, Clément Gros, chef de projet pour les observatoires botaniques de Vigie-Nature, Emmanuelle Porcher, responsable scientifique de Vigie-flore comme Gabrielle Martin, qui n’a pas pu venir cette fois-ci, Eric Baradat, responsable de la base de données SPAF, Solène Agnoux, doctorante au CESCO, Anne Dozières, directrice de Vigie-Nature , Nathalie Machon, professeure spécialisée en écologie urbaine, Florence Devers et Éric Motard, botanistes.
Avant d’en venir aux actualités qui ont marqué l’année écoulée, une rapide présentation du programme, né en 2009 et qui a fêté ses quinze ans l’année dernière (le bilan 2023 est téléchargeable ici), permet de rappeler les objectifs -rien de moins que décrire les changements en cours de la flore sauvage de France - et le protocole. Brièvement, il s’agit de choisir une « maille » (zone sur laquelle faire les relevés botaniques) parmi toutes celles définies de façon systématique tous les 10 km sur tout le territoire, de manière à ce que l’ensemble des observations couvrent le mieux possible l’ensemble du territoire. Au sein de cette maille, toutes les espèces présentes doivent être identifiées autant que possible (en savoir plus sur le protocole).
Cette année, il y a eu deux rencontres sur le terrain, en région PACA et en région Occitanie au printemps. Toujours sur le terrain, les premiers tests de déploiement de Vigie-flore en Guadeloupe se sont avérés fructueux. Dans les urnes, c’est le choix d’un nouveau logo pour le programme qui s’est opéré. Le coquelicot est resté, rafraîchi de manière un peu plus moderne, et si vous regardez attentivement, vous verrez une virgule dans le O de Flore : c’est un reflet car ici se cache la loupe de l’observateur.ice !
L’année 2024 a aussi été le début d’une nouvelle aventure collective : un appel à participation pour l’élaboration d’un ouvrage collaboratif Vigie-flore retraçant 15 ans de résultats et des fiches espèces a été lancé à toute la communauté de vigie-floristes. Vous participez au programme et faites des dessins ou peintures de plantes ? Si certaines d'entre elles font partie de la liste 600 espèces communes Vigie-Flore, envoyez vos œuvres à vigie-flore@mnhn.fr : elles pourront permettre d’illustrer les fiches espèces de l’ouvrage.
Le symposium “Nouvelles solutions pour suivre les plantes, les pollinisateurs et leurs interactions dans un monde qui change” (toutes les présentations sont visionnables à partir de cette page) qui a eu lieu au Collège de France au printemps dernier a permis d’ouvrir les frontières : il marque le début d’une réflexion internationale afin de comparer les suivis de plantes et pollinisateurs pour mutualiser les résultats issus des suivis des différents pays, la France étant représentée par Vigie-flore.
Ces actualités sont complétées par un point sur la participation, qui montre une hausse par rapport à l’année précédente (et, réjouissons-nous, 23 nouvelles mailles ont trouvé des botanistes !), les espèces les plus vues, celles qui ont été vues pour la première fois et d’autres informations détaillées dans le bilan annuel 2024, distribué en avant-première aux participant.es (à télécharger ici).
Les rencontres sont l’occasion… de se rencontrer. La proposition est de se regrouper dans l’amphithéâtre selon les zones géographiques de France, et ainsi de rencontrer ses « voisins et voisines ». Alors que les consignes sont données, des représentant.es de la Bretagne et de la Vendée nous rejoignent dans l’amphi, et des référent.es régionales se font connaître : « Moi c’est Poitou et lui c'est Charente-Maritime mais il ne veut pas le dire » (rires). L’ambiance de la salle prend des allures de retrouvailles et les conversations vont bon train, autour des expériences de chacun.es, des anecdotes de terrains, des conseils qui s’égrènent et de spécificités régionales.
Chacun.e ayant réintégré sa place, vient un temps de retour d'expériences partagé tous ensemble. On y apprend que les inondations ont perturbé le recueil de données cette année et les observations des effets de la fauche tardive sur les plantes sont discutés. Les nouveaux Vigie-floristes sont invités à témoigner : la détermination prend pas mal de temps lorsque l’on commence, « c’est long mais c’est génial et c’est parce que c’est le début », la difficulté à déployer le protocole sur des parcelles cultivées ou des friches impénétrables, autrement appelée par les participant.es chevronné.es « les joies de Vigie-flore » (rires)… oui car les Vigie-floristes sont des aventurier.es comme en témoigne un précédent article.
Du côté de la recherche, dont les résultats sont à retrouver dans le bilan 2024, on se concentre sur les interactions plantes et pollinisateurs : La très grande majorité des plantes à fleurs (90% des plantes sauvages et 75% des plantes cultivées) dépendent au moins en partie de la pollinisation par des insectes pour leur reproduction. Des études montrent que les pollinisateurs diminuent, à la fois en termes d’abondance et de diversité, avec un impact sur les plantes. A quel point ce phénomène est répandu ? Pour sa thèse, Solène Agnoux a estimé les tendances temporelles pour plus de 600 espèces de plantes : 220 déclinent, 217 augmentent et 170 ne montrent pas de tendance significative. Notez bien que Vigie-flore est le seul programme qui permette d’obtenir ces estimations, sans lesquelles il se révèlerait impossible de considérer les changements qui s’opèrent dans la flore française.
Les analyses de Solène montrent que les plantes les plus dépendantes des pollinisateurs diminuent plus que les autres ; C’est notamment le cas des plantes à fleurs bleues dont la couleur est connue pour attirer les insectes, et les plantes dont les fleurs ont des formes qui font appel à des pollinisateurs spécialisés comme par exemples les fleurs en cloche. Après avoir énoncé les futures recherches, Emmanuelle Porcher conclut la présentation avec des remerciements, « Sans vous, rien de tout ça ne serait possible ».
Une promenade accompagnée par Vincent Chassany nous emmène à travers le Jardin des Plantes. Sur la route, notre guide nous dispense des anecdotes naturalistes. Par exemple, en contournant le Jardin alpin, nous faisons un pas dans l’histoire : « il y a ici le pistachier de Vaillant, celui qui a découvert la reproduction sexuée chez les plantes à fleur ». Dans le Jardin de l’École botanique, nous nous arrêtons devant l’orme du Caucase, Zelkova carpinifolia, revêtant sa belle parure d’automne, « il a deux types de feuilles, celles qui sont sur les rameaux ne tombent pas… ce sont les rameaux tout entiers qui sont emportés par le vent ». Dans le jardin écologique, une halte face au laurier des bois et nous voilà informés qu’il a une floraison très précoce, « dès la fin de l’hiver » ! La balade se termine par une visite des grandes serres.
Si la matinée est bien remplie, l’après-midi n’est pas en reste ! Des ateliers permettent de discuter et faire le point sur différents aspects en petits groupes : l’animation du programme avec Vanessa, la recherche avec Emmanuelle et Solène, les questions relatives au protocole avec Éric et Clément.
Et puis direction le sud ! Ania Schleicher et Augustin Soulard nous font découvrir tout en humour leur maille, située dans la région PACA, et ses richesses floristiques… plutôt piquantes, avec en star le Chêne des garrigues, « pour les sorties sur terrain, c’est assez sympathique, ça fait une petite séance d’acupuncture ». Si vous vous promenez dans la région, peut-être trouverez-vous également une plante connue au Moyen Age pour soigner la calvitie, je vous laisse le soin de trouver son nom... Une autre, étonnante, qui est une espèce de ciste, peut rester plus de 9 minute à 150 degrés sans que son pouvoir germinatif ne soit détérioré ! Elle est « un peu machiavélique » car elle produit des composés aromatiques qui favorisent la propagation du feu….
Cette intervention a aussi été l’occasion d’annoncer officiellement que Clément Gros, devenu maître de conférences en biogéographie à l’université Paris Cité (bravo à lui !) passe le relais de sa mission à Vigie-Nature à Ania (bienvenue à elle !), qui sera donc désormais notre nouvelle cheffe de projet d’observatoires botaniques (Vigie-flore, Sauvages de ma rue, Florilège).
Ainsi il y a des départs, des arrivées mais aussi des changements… Dans le chapitre des annonces, Brigitte a trouvé repreneur pour sa maille. Elle qui a « participé activement depuis le début du programme, mais aussi formé de nombreux et nombreuses botanistes, qui accompagne les sorties des petits et des grands et organise des sorties champignons, qui donne des conférences sur la flore et organise des fêtes des plantes, et fait également de magnifiques aquarelles », se voit remerciée pour son implication déterminante dans Vigie-flore. Mais attention, si elle arrête la maille, Brigitte reste tout de même la référente régionale pour la Bretagne ! (consulter la page des référent.es).
La fin de l’après-midi est tournée vers d’autres horizons : La présentation par Eva Perez Pimpare (gestionnaire du projet au MNHN) des Herbonautes, un programme de science participative à découvrir, qui propose des missions d’étiquetage pour les millions de plantes de l’herbier de Paris ! Et finalement, Audrey Muratet nous expose ses travaux de recherche sur l’impact de l’urbanisation sur la flore, qu’il serait bien trop long de développer dans cet article. Et oui, pour bien profiter de ces journées de rencontre, il faut venir !
HD.
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