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Les erreurs d’observation ne sont pas un problème, au contraire !

Sciences participatives

 

C’est l’angoisse de tout participant. Le doute qui saisit l’observateur au moment d’envoyer ses données : et s’il y avait une erreur ? Après tout, l’espèce d’oiseau déclarée n’est peut-être pas la bonne… Même chose pour ce papillon qui aurait très bien pu figurer dans une autre catégorie… Si le doute est sain car révélateur de sérieux, il ne doit en aucun cas freiner la participation ou empêcher la saisie : aucun jeu de données n’est épargné, pas même dans les observatoires naturalistes. Le tout est de tenir compte des erreurs lors des analyses. Et de pouvoir, le cas échéant, les exploiter.

 

 

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Des erreurs invisibles et marginales

Les observatoires de Vigie-Nature permettent de faire des suivis de biodiversité, c’est-à-dire des comparaisons de situations dans le temps et l’espace. Nous comparons des observations collectées régulièrement et de la même manière par tous les participants, selon un protocole précis qui ne change pas. Le traitement statistique des données révèle de grandes tendances, comme les variations de populations d’oiseaux dans les campagnes françaises. Or l’augmentation ou la diminution relative obtenue dans ce cas peut intégrer un taux d’erreur global, qui ne varie pas dans le temps ou selon les lieux. La courbe de tendance ne s’en trouvera pas affectée. 

Les erreurs d’observation peuvent donc se montrer négligeables. Tant qu’elles restent marginales. Ce que nous confirme un examen des données d’analyse montrant qu’elles ne dépassaient pas les 5 % pour l’Opération papillons. Un taux largement acceptable. Comment l’expliquer ? Notons d’abord que les données subissent préalablement un examen minutieux. Les chercheurs tâchent d’identifier les observations aberrantes (date ou lieu impossibles) pour estimer ce taux d’erreur. Cela concerne par exemple les papillons Aurores aperçus au mois d’août : une rencontre impensable en plaine à cette époque de l’année, l’Aurore étant un papillon précoce et printanier. « Dans ce cas précis, on voit qu’il y a très peu d’Aurores signalées après juillet. Donc on fait l’hypothèse que cette espèce est bien identifiée dans 95 % des cas» ajoute Benoît Fontaine coordinateur à Vigie-Nature.  Dans un second temps, ces erreurs d’identification manifestes sont évidemment mises de côté avant les analyses.

Le faible pourcentage d’erreurs s’explique surtout par le protocole, adaptés au niveau du participant. Les néophytes se cantonnent à identifier des espèces ou des groupes d’espèces proches facilement reconnaissables. La rigueur avec laquelle les observateurs, débutants comme confirmés, suivent les consignes fait le reste. Le principe du volontariat garantit ce sérieux indispensable à la qualité des données et leur comparabilité. Ce qui n’est pas forcément le cas lors d’exercices contraints. En effet, quel intérêt aurait un observateur à passer du temps à suivre un protocole d’observation si s’il n’en respecte pas les règles ? Aucun. C’est en tous cas le pari de Vigie-Nature. Un pari qui semble se confirmer lorsqu’on compare des analyses issues de données naturalistes, considérées comme fiables, et de données « grand public ». Les courbes de la phénologie des papillons par exemple sont très similaires. Les tendances identiques. Donc rassurez-vous, le protocole est un puissant garde-fou ! Même si vous n’êtes pas sûr de vous, la feuille de route vous empêche largement de fauter.

 

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Les erreurs révèlent les phénomènes d'apprentissage. Ici les probabilités de bonnes identifications en fonction de nombre

de photos publiées par les participants au Spipoll. 

 

 

De l’utilité des erreurs

Et si les erreurs des participants revêtaient paradoxalement quelque chose de positif ? Outre le caractère légèrement provocateur de la question, il est un fait que sans elles, nous passerions à côté de phénomènes passionnants. L’apprentissage, par exemple comme l’a montré Nicolas Deguine et ses collègues chez les participants au SPIPOLL. Rappelons que l’exercice consiste à prendre des photos d’insectes et à les identifier avec une clé de détermination, les réponses étant toutes validées par des experts. D’après les résultats de l’étude, plus les participants pratiquent, plus le taux de bonnes identifications augmente. Autrement dit les erreurs diminuent avec l’expérience. « L’identification des abeilles domestiques au bout de 25 photos est de 95 %. Le taux d’identifications correctes des mouches, quant à lui, passe de 67 % à l’état initial à près de 90 % au bout de 150 photographies. » nous expliquait Nicolas dans un récent article. Et ce genre d’évolution concerne même les observateurs confirmés : comme nous l’avons également mis en évidence, les naturalistes participant à Vigie-Chiro (suivi acoustique des chauves-souris) commettent d’autant moins d’erreur d’identification qu’ils se sont formés en amont.

Avec leur marge d’erreur faible et incompressible, les suivis de Vigie-Nature apportent des connaissances nouvelles en macro-écologie et en écologie des communautés, comme en témoignent les nombreuses publications scientifiques depuis le début du programme. Des connaissances que nulle autre méthode pourrait d’ailleurs assurer. En complément des études approfondies menées sur quelques sites, ces suivis sont la base nécessaire à la construction de scénarios de biodiversité. Mais les sciences participatives n’ont pas pour seule vocation de générer de nouvelles connaissances en écologie : ils contribuent aussi à éveiller l’intérêt du public pour la biodiversité. Et toutes ces imperfections dans les observations, les commentaires interrogateurs envoyés par les participants, toute cette matière accompagnant la donnée permettent d’en apprendre tous les jours davantage sur notre rapport à la nature.

 

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